• Ca sent l'Enfer (89)

     

    Il enfourna le pistolet-mitrailleur dans sa ceinture et brandit la grenade qui avait chauffé dans une poche du blouson. Après quoi il effectua un tour complet sur place, dévisageant chacun et transpirant à grosses gouttes. Repoussant la douleur qui mordait ses entrailles. Il y avait quelque chose de surhumain en lui. Fascinant et terrifiant en même temps. C’était le genre de personnage que les musiciens célébraient dans leurs chansons. Seulement ils auraient payé le Diable pour qu’il le tienne à l’écart de leur vie réelle. Malheureusement aussi il était trop tard, et le Diable avait choisi son camp. L’air de la grande salle devenait irrespirable.

     

    A cet instant Nico reprit connaissance et on l’entendit râler. Jeff l’observa d’un air curieux et soudain posa la grenade. Ecartant doucement le blouson pour plonger la main dans une poche intérieure.

     

    -   Tiens.. Il fit. .. J’veux pas l’entendre chialer.. Jetant un tube à Matt qui échoua au sol.

     

    Il s’empressa de le décapsuler et fit avaler plusieurs pastilles d’un coup à son frère. Nico haleta d’abord et parut se calmer.

     

    -    Ca sent l’enfer ;. Songeait Alex pétrifié. Conservant sa guitare à bouts de bras d’une façon assez bizarre.

     

    -    J’annonce la couleur.. S’exclama Jeff. Elevant la grenade au dessus de sa tête.

     

    Un masque s’était plaqué sur son visage.

     

    -    Celui qui a fauché le fric va me raconter sa vie, y a plus de sortie de secours.. C’est toi ?… Il fit à Kim.

     

    Il s’avança vers le roadie et poussa les canons du fusil sur sa poitrine, l’obligeant à reculer.

     

    -    Non.. n.n.. non.. J’te jure que j’y suis pour rien.. C’est pas vrai.. je sais pas où il est ce fric..

     

    Kim bredouillait et tremblait de tous ses membres.

     

    -     Mais c’est toi qui m’a flingué en traître, ou j’me trompe ?.. Non.. j’crois pas que je me trompe ;.. Il ajouta en lui enfonçant les canons dans la peau.

     

    Coincé sur le rebord de scène Kim laissa échapper un cri de douleur.

     

    -    Pardon.. j’te demande pardon.. je savais pas ce que je faisais.. Tu dois me croire ;.S’il Te Plait.. Il fit implorant. La face décomposée.

     

    Jeff prit un rictus méprisant.

     

    -    Je sais ;. Ta chance c’est que le plomb a fait que passer.. et depuis j’ai la tête occupée à autre chose..

     

    Il recula et agita à nouveau la grenade.

    -    Je vous préviens tous… j’ai rien à perdre.. On va tous y rester, mais le fric va sortir.. Toi là bas…

     

    C’était le tour de matt. Il pointa le fusil sur lui et le fixa férocement.

     

    -    Non.. non… si je savais où il est ;. Je te le donnerais sans perdre une seconde pour appeler un toubib.. J’en ai rien à foutre de ce fric.. Et c’est pas mon frère non plus;. S’il l’avait je le saurais ;. C’est la vérité.. Il lui répondit essoufflé.

     

    Jeff réfléchit sans baisser son arme.

     

    -     Je te crois.. Il fit.

     

    Puis reprit sa ronde au milieu de toute la bande figée comme au musée Grévin. La terreur se lisait dans les yeux de celui qui le voyait s’approcher. Jeff tourna encore à pas lents, hésitant sur sa prochaine cible. A moins qu’il comptait ainsi les vider de toute substance. Il n’aurait eu alors qu’à les prendre et les retourner comme de vulgaires poulets morts.

     

    -    TOI… Il cria d’un coup en fonçant sur Walli.

     

    -    Crache le pognon.. T’as cinq secondes.. Un.. deux.. tr…

     

    -     Non.. non.. Il se mit à larmoyer..

     

    -     Je savais même pas qu’il existait.. Ils me disent rien ;. Ils font leurs affaires entre eux ;. Je te le jure.. Vraiment je te le jure.. Il supplia, et on le vit joindre ses mains. Comme à la messe.

     

    -    Amène toi par ici ;. Je veux te voir plus près.. Cria Jeff.

     

    Walli descendit de la scène en tremblotant. Il parvint à sa hauteur quand Jeff le cueillit d’un coup de crosse au ventre qui le fit plier en deux.

     

    -     Je t’en supplie.. Fit Walli que Jeff obligeait à se redresser.

     

    -     Je l’ai pas.. tu dois me croire… je suis un pianiste, c’est tout.. j’y connais rien..

     

    Jeff leva lentement son arme et visa le front sans rien ajouter. Quelques secondes s’écoulèrent, lourdes et terrifiantes, avant qu’un gargouillis se fasse entendre. Jeff regarda à ses pieds et vit que l’autre se pissait dessus.

     

    -   C’est pas toi qui a le fric.. Il lui concéda d’un ton froid.

     

    Puis recula lentement ; prenant garde à ce qui se passait autour de lui. Mais personne avait l’idée de le contrarier. Alors il reprit son manège et les secondes défilaient interminables. Les visages suaient, les gorges se contractaient, et on n’entendait plus un souffle dans l’étrange silence. Jeff avançait d’un pas mécanique, déployant devant lui ses bras de tueur fou.

     

    -     On n’a plus de temps à perdre.. Il s’écria d’une voix faiblissante.

     

    -     Je veux le fric.. dans cinq secondes je débouche le champagne, et tant pis pour nos gueules à tous..


     

    Alex eut la conviction qu’il ne bluffait pas. La grenade pouvait bien être l’ outil du jugement dernier. Pourtant il ne rencontrait en lui qu’un sentiment de lassitude. Comme si l’histoire avait déjà englouti sa vie entière, et les cinq secondes duraient des heures. Mille fois trop longtemps. Quand un cri jaillit.

     

    -     Je sais où il est le fric.. Hurla une voix.

     

    -     Il est dans les chiottes de l’hôtel,..  y a une gaine de ventilation…

     

    Alex secoua la tête, incrédule. En bas des travées le vieux chauffeur du bus fondait en larmes. Il se cachait le visage comme couvert de honte.

     

    -     Tout le monde aura voulu en croquer.. Se disait Alex.

     

    -     Crétin.. Fit Jeff.

     

    -     Et tu pouvais pas nous le dire plus tôt ;. Y a une heure quand on t’a coincé à l’hôtel et fait fouiller les chambres ;. Tu vois un peu la merde que t’as foutu.. Putain.. t’es encore plus con que la moyenne…

     

    -      Pauvre type ;. Murmura Nico,

     

    Il était extraordinairement pâle. Mais les barbituriques combattaient la douleur à sa place.

     

     

     

     

     

     


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