•  

    La petite troupe s’avançait en une ligne d’ombres dans le terrain vague.  Jeff y avait poussé la voiture avant de rejoindre l'hôtel. C’étaient les dernières heures avant le jour, les plus sombres et le trou à rats au delà du parking ne luisait d'aucune lumière. Quoique une forme blanche zigzaguait comme un fantôme entre des carcasses de voitures et deux baraques de chantiers abandonnées. Le type en blanc était Nico qui avait gardé sa tenue sexy endossée la veille pour draguer Lola. Mais  le sujet était loin d’être aussi folichon cette nuit, et il fallait d’abord se garder des obstacles qui surgissaient de tous les côtés. A aucun moment pourtant la file à demi aveugle ne se rompait. Elle peinait et se distendait certes mais conservait l’organisation fixée par Nico au moment de s’ébranler.

     

    - T’es peut-être au bord de l’enfer.. Si jamais un écrou lâche dans une de ces cervelles c’en est fini… Pensait Alex.

     

    A deux ou trois reprises il avait senti la pression d’un canon de revolver dans ses reins.

     

    - Mais qu’est-ce qu’ils ont tous à vouloir me trucider ces derniers temps,.. Il avait marmonné. Plus surpris qu’apeuré.

     

    Jeff marchait en tête, suivi de Nico qui ne le lâchait pas d’un centimètre. Il s’était mis à siffloter en quittant l’hôtel désert, ce qui avait sérieusement agacé Nico.

     

    - On est pas à la foire… Il avait grogné.

     

    - Je croyais que t’aimais la musique..  Ricana Jeff .

     

    Auparavant toute l’équipe s’était adonnée à une fouille minutieuse de l’étage qu’ils occupaient seuls heureusement. Finissant par réveiller le vieux chauffeur du bus qui s’était manifesté en slip et à moitié endormi sur le pas de la porte. Nico l’avait gentiment prié de se recoucher.

     

    - C’est des bricoles entre nous.. c’est rien ;. Il lui avait fait en le repoussant d’une main dans sa chambre. Le type avait obéi sans broncher. Il avait l’habitude de trimballer des musiciens, et ces gens sont souvent spéciaux. Il le savait. D’autant que ceux là méritaient une palme dans leur genre. Le mieux comme on venait de lui suggérer était de retourner au lit en ayant tout oublié le lendemain. Il s’exécuta presque heureux qu’on ne l’oblige pas à se mêler de leurs histoires de filles ou de came. Il avait l’habitude.

     

    La fouille de l’étage n’ayant rien donné Nico eut l’idée de la voiture.

     

    - T’as du temps à perdre ;. Ricana Jeff.

     

    - Pourquoi pas.. Lui avait rétorqué Nico en échangeant un regard avec son frère. Jeff se disait qu’ils lui préparaient une surprise à leur façon. Il se l’était dit sans crainte. Il ne craignait que les flics et les quatre murs où finissent les malfrats qu’ils soient grands ou petits. Le vrai enfer à ses yeux n’avait pas le goût du plomb et du sang. Mais c’était bien plutôt cette maudite taule pire que toutes les morts. Ce cul de sac de la vie. La mort y règne en maître. Elle peut même recommencer son boulot chaque matin et se reposer la nuit quand ses victimes brûlent d’insomnie. Pendant que toutes les Lola du monde dansent à la mémoire des truands. Jeff voyait l’épisode comme un coup foireux du destin. Une sorte d’accident du travail. Un aléa imprévisible. Il se disait que l’endroit était parfait pour un tabassage en règle qui délie les langues mieux qu’une longue discussion. Il avait repéré les poings de Bœuf gros comme des melons. Plus les quatre types royalement armés alors qu’ils n’étaient que deux. Sans compter qu’il n’espérait pas voir Alex se transformer en lion d’un coup au cœur de la nuit. Il soupesa lucidement ses chances. Pensa à Lola toujours sur le lit à renifler ses remontants avec une main au creux des cuisses. Il se dit que le mieux était de se montrer patient et de guetter le plus petit signe du destin.

     

    - On y est.. Il glissa à voix basse en pointant l’index, d’un ton calme et rassurant.

     

    - Tu te coinces là et tu fais pas l’imbécile.. Répliqua Nico nettement moins conciliant.

     

    - J’aimerais bien en fumer une.. Fit Jeff toujours aussi calme.

     

    - Et pourquoi pas t’envoyer une bière.. Tant qu’on y est.. ; Lui balança méchamment Nico, qui devait aussi penser à la raclée qu’il comptait lui rendre d’ici peu.

     

    - Moi aussi j’aimerais bien tirer sur une tige.. Je crève de froid, vous m'avez pas laissé le temps de prendre ma veste..; Grommela Alex à un mètre.

     

    - La ferme tous les deux.. Vous nous les cassez avec votre numéro de comiques…

     

    Cette fois c’était Matt qui prenait le relais, d’un air énervé et au fond peu assuré.

     

    - Je crois que le problème viendra de ce côté.. Pensa Alex en fixant une des rares étoiles du ciel. Il commençait à en savoir pas mal sur les hommes. Il avait beaucoup appris en quelques jours.

     

     

      

     


    votre commentaire
  •  

    Il grogna d’abord comme s’il refusait de comprendre. Avant de Lâcher un de ses Fils De Pute.. qui étaient son emblème. Serrant des poings inutiles. Il manqua de bondir et ne se retint que par miracle. Mais s’il avait observé Lola il aurait pu contempler une grimace toute aussi dégoûtée. Seul Alex ne semblait pas affecté quand il releva la tête. On pouvait même discerner un sourire empreint de curiosité sur ses lèvres.

     

    - Tu recules et pas un geste de trop.. à cette distance ça serait marrant de te vider les tripes.. T'es pas d'accord avec moi ?..

     

    - Allez bouge toi.. Et viiittte.. Fit encore Nico, agitant l’arme avec  nervosité. A ses côtés Matt, Bœuf et Kim tentaient de s’aligner dans l’étroitesse du passage le long du lit. A l’arrière le second roadie et Walli s’esclaffaient comme des gosses mal élevés. En dehors de Nico ils n’arboraient pas des mines vengeresses. Mais plutôt des faces provocantes et hilares. Ces types se marraient comme des fous exhibant tout l’arsenal de Jeff. Automatiques, pistolet mitrailleur, canons sciés. Tout y était. Il ne manquait que la grenade dont le mode d’emploi collait mal à l’espèce de western délirant qu’ils s’imaginaient tourner. Seul Boeuf se contentait des énormes poings qui lui avaient valu son surnom.

     

    Jeff les examinait sans masquer son écoeurement. Son bel arsenal le visait à bout portant et ce simple constat avait déjà de quoi le rendre dingue. Il ne chercha pas à biaiser. Le pire à ses yeux était de se retrouver aussi minable devant Lola. Ce seul fait aurait du leur enlever l’envie de jouer aux cow-boys. Ils semblaient ignorer à quel point les armes peuvent se révéler dangereuses dans la vraie vie. Seulement en attendant, la chance était de leur côté.

     

    - Qu’est-ce t’attends pour lever les bras en l’air.. Fit Matt d’un ton doucereux. Avec une façon de parler ironique et sucrée tout droit sortie d’un polar.

     

    - Je t’emmerde.. Répliqua Jeff qui avait de plus en plus de mal à se contenir. Lui ne jouait d’autre rôle que le sien et c’était toute la différence.

     

    - Ts.. ts.. ts.. où est-ce que tu te crois toi ?.. Ca va pas bien finir si tu te calmes pas un minimum…

     

    Nico n’eut pas le temps de terminer sa phrase que Lola se soulevait pour le couper en plein vol.

     

    - Mais qui t’a demandé de la ramener ?.. Je suis encore capable de régler mes affaires toute seule.. Je t’ai pas attendu pour dénicher le pactole, et maintenant il va falloir trouver en force lequel des deux a planqué les billets.. ; Alors que j’étais à deux doigts d’y arriver en douceur.. sans m’énerver.. Annh.. Mais qu’est-ce qu’on avait dit ?.. Tu pouvais pas t’tenir à carreaux cinq minutes.. Putain !..

     

    Lola se laissa retomber sur le lit. Elle écumait. Nico la dévorait du regard et se mordait les lèvres.

     

    - Et oui Lola.. T’as raison de le dire.. Putain que tu es ;. Tu te trompes pas pour une fois.. Alors c’est ça ton truc, ils sont dans le coup ;. Tu voulais me blouser salope, et pour quoi je me le demande ;. Pour cette espèce de tapette qui tient pas sur ses jambes.. J’sais pas c’que t’en penses mais tu m’inquiètes.. Et Tu Sais Pas La Meilleure.. c’est que je croyais depuis un moment que c’est toi qui avais le blé .. J’en étais sûr.. Ah.. ah.. ah..

    -          

    - Mais je vais le buter avant l’heure cet enfoiré..

     

    Nico était pris de tremblement et Lola préféra reprendre les rênes de sa voix métallique. Adossée au mur avec juste une jambe repliée.

     

    - Tu ferais mieux de t’occuper du flingue dans sa ceinture… Avant qu’il t’en visse une dans la tête.. C’est un conseil que j’te donne ;.

     

    Elle gardait sa jupe remontée, laissant à ses cuisses galbées le soin de chauffer l’atmosphère. Dans ce bain de vapeur elle se sentait invincible. Même elle pouffa et alluma une autre cigarette.

     

    - Tu fais une erreur monumentale Lola.. Il y avait encore moyen de s’arranger.. Tu sais que je suis capable de comprendre des choses que les autres ne voient même pas ;. Pourquoi tu crois que j’ai pas filé plus tôt ?.. On parlait gentiment tout à l’heure.. Et tu douterais de ce que je peux faire maintenant ;. Ca pose un sacré dilemme tu peux le dire..

     

    - Te fatigues pas Jeff, j’ai déjà franchi la ligne blanche.. T’es pas assez idiot pour croire qu’on peut revenir en arrière.. Ca serait mortel pour tous les deux une erreur pareille.. Qu’est-ce t’en dis Jeff ?..

     

    - Moi je dis que ces blaireaux vont pas m’avoir.. Plutôt crever Lola.. ;

     

    - C’est toi qui le dit jeff.. Moi je pense que t’as tord de le prendre à cœur.. ; Suffit qu’on trouve une solution pour le fric, et après chacun taille sa route.. Il y a de la place pour tout le monde sur terre.. Qu’est-ce t’en dis Jeff ?..

     

    - Putain de bordel ;.. Râla ce dernier en se meurtrissant les poings au mur.

     

    Lola tendit la main vers la table de nuit et s’empara d’un sachet laiteux. Puis elle renifla grassement le bout de ses doigts avant d’ouvrir la bouche comme si elle manquait d’air. Dans son coin Alex avait tout observé  et entendu avec la certitude d’assister à un spectacle étonnant. Il se demandait sincèrement ce qu’il fallait penser des artistes. Se grattant la nuque, sa guitare en bandoulière.

     

    - Allez Matt, désarme le ;. Fit Nico..

     

    - Et toi, colle toi bien dans le crâne que j’hésiterais pas une seconde à te refroidir.. Et après tout y aura qu’à expliquer qu’il a fallu se défendre contre l’ennemi public numéro un.. je vois pas ce qu’ils trouveraient à redire les juges.. peut-être même qu’on va nous féliciter.. ih.. ih.. ih..;

     

    - Garde ta salive.. J’avais bien compris que t’es une terreur.. Qu’il me prenne le pétard ton frangin.. mais qu’il me touche pas trop, j’suis pas pédé comme lui, et ça me rend irascible.. Enlève moi juste un dernier doute Lola.. T’as vraiment pensé à tout et pesé chaque chose avant de te décider ?. T’es vraiment certaine que c’est c’que tu voulais.. ?

     

    Lola souffla profondément comme s’il s’agissait de confesser un adultère.

     

    - Oui Jeff, complètement.. Tu vois, je me sens l’âme d’une chanteuse.. Je suis d’une génération qui aime pas se poser trop de questions à la fois.. Et puis je crois que je vais bien rigoler dans ce buzziness.. Quand au fric, il faut que tu comprennes que j’ai pas envie de manger des cailloux.. Et j’étais d’accord pour partager.. ; Il est malheureusement difficile de partager le paquet de linge sale qu’un enfoiré à mis à la place des beaux billets.. Qu’est-ce t’en dis ?..

     

    - T’as raison Lola.. t’as mille fois raison… Sauf pour ce qui est de partager le fric.. Je suis moins sûr…

     

    - Ah bon.. et qu’est-ce qui t’dit que je manquerais de parole d’après toi ?..

     

    Il chercha son regard qu'elle lui refusait.

      

    - T’as jamais su faire les choses à moitié ;.. Il lui fit.

     

     

     

     

     


    votre commentaire
  •  

    - En principe on devrait tenir un beau paquet de millions, de belles liasses de billets qui sentent bon le soleil et les cocotiers.. C’est pas vrai ma chérie.. Qu’est-ce t’en dis ?..

     

    Lola soupira sans cesser de sourire.

     

    - J’en dis qu’en principe c’est bien comme ça que ça devrait être… Alors là dessus j'te donne cent pour cent raison .. ;

     

    - Ta peau est encore plus tendre quand tu te mets en colère Lola.. On te l’a jamais dit avant ?..

     

    - Mais pourquoi tu dis que j’suis en colère Jeff ?.. J’ai jamais été aussi calme de ma vie, tu l’sais bien ;. Tu m’connais non ?..

     

    Il ricana et se fit plus insistant entre ses cuisses. Comme s’il s’agissait des vrais préliminaires d’une relation sexuelle.

     

    Alex se redressa pour chasser une douleur qui lui venait dans le dos. Il fouilla aussi dans ses poches à la recherche d’une cigarette. Sans succès. La lumière de la lampe de chevet épargnait son visage qui demeurait dans l’ombre. Il se sentit de trop et n’osa pas s’adresser à eux pour la cigarette. Il faisait terriblement chaud aussi. A la fin il se décida à enlever sa veste qu'il posa sur le rebord de la fenêtre. Ne sachant plus quoi faire de ses mains il sortit machinalement la Fender de son étui et agrafa la sangle. A partir de quoi il redevenait quelqu’un.

     

    - Où est passé le fric Lola ?..

     

    Jeff n’avait pas haussé le ton. Ce qui n’empêchait pas sa voix de claquer pareille à un long fouet. La chambre devint étouffante. Un peu à la manière d’un caisson. Alex jouait les premiers accords de Boom, Like That.

     

    - Mais j’allais te poser exactement la même question mon chou.. Justement.. ; Reprit Lola en expirant un nuage de fumée.

     

    - Jeff la masturbait carrément à ce stade. Ses seins se gonflaient et elle semblait réellement apprécier. Mais son esprit et son corps avaient été déconnectés. Au moins sur ce plan elle se retrouvait en harmonie avec Jeff. D’ailleurs tous deux ne prêtaient aucune attention à la balade qui sortait des doigts d’Alex.

     

    - Alors tout ça c’est une bonne blague si on analyse la situation correctement.. C’est ce qu’il faudrait conclure.. C’est pas vrai ?..

     

    - C’est ce qu’il faudrait conclure.. Répondit Lola en haletant d’une voix faible.

     

    Alex sifflotait Boom, Like That. La gorge serrée avec la musique pour seule planche de salut. Ce qui le désespérait était cette main de Lola qui venait de saisir à nouveau celle de Jeff pour mieux la guider. Il les vit échanger un regard dur et sans pitié. Devinant le fil incandescent qui les reliait. Pourtant leurs corps partageaient un vrai bonheur charnel. Il se sentit personnellement mis en cause. Sa douceur naturelle lui avait toujours interdit de connaître des émotions aussi parfaites. Ce fut bizarrement à cet instant que Lola se souvint de sa présence.

     

    - Il y a quand même un troisième larron dans l’affaire.. Peut-être que l’explication n’est pas à chercher plus loin.. Qu’est-ce t’en dis Jeff ?..

     

    Elle découvrit seulement les accords de la ballade.

     

    - Oh comme c’est mignon ;. Elle souffla..

     

    - Il nous joue de la musique.. Mais je le connais cet air.. Comment il s’appelle déjà ;. J’arrive pas à me rappeler.... oh.. ohh.. c’que c’est beau en tout cas.. C’est pas vrai mon chéri ?.. Tu trouves pas q’cest beau ?.. Dis lui toi aussi q’cest beau.. ;

     

    - moouaih.. Fit Jeff. Visiblement en froid pour ce qui concernait le côté musical. De toute manière son esprit restait vissé au magot disparu et ne voulait pas s’en laisser compter.

     

    - On a un problème et une solution.. Suffit d’enfoncer très fort le problème.. Bien à fond dans le trou.. Et on n’aura plus que la solution.. C’est une bonne technique pour envisager l’avenir, qu’est-ce t’en dis Lola ?..

     

    Alex sentit que le rébus le concernait et frémit.

     

    - Mince alors.. Fallait que ça me revienne dessus..

     

    Il soupira à haute voix en continuant de gratter son électrique qui émettait des sons râpeux. Il se demandait si toute l’affaire n’avait pas été trafiquée d'avance.

     

    - S’il faut trouver un dindon.. Ca va quand même pas retomber sur toi encore une fois ?..

     

    Il pensa avec une forme de déception. Une minute passa en silence. Néanmoins les invisibles paquets de billets plombaient l’ambiance. Plus aucun des trois ne savait comment dénouer le mystère. Quand à Jeff, le glissement lent de ses doigts dans l’humidité des cuisses de Lola, n’arrangeait pas ses facultés intellectuelles. Il s’était lancé dans une course de fond interminable qui l’amollissait à mi-parcours. Lola émettait des sons courts et enivrants, des soupirs diffus voletants dans l’air épais. Tout devenait impalpable et personne ne remarquait la poignée de porte qui descendait millimètre par millimètre. Dans une impeccable discrétion.

     

    Le profil huilé de Nico s’engageait dans la fente. Son œil noir seul y apparaissait. Puis d’un coup la porte s’ouvrit.

     

    - Tu bouges plus connard.. et tu la fermes..

     

    La voix de Nico sèche et ironique venait de les faire sursauter. Même Jeff perdu dans la senteur tiède et sensuelle de son activité se retrouva paralysé. Il se retourna en tressaillant, et ce fut pour tomber nez à nez avec deux tubes menaçants qu’il connaissait bien. Son propre calibre douze à canons sciés. Derrière lequel se pressait toute une équipe pas du tout avenante.

     

     

     

     

     

     


    votre commentaire
  •  

    Dans le hall désert de l’hôtel, un néon bleu du distributeur de boissons teintait les silhouettes. Tout devenait bleu à peine le seuil franchi. La peau fatiguée des visages en ressortait comme enduite de cire sombre. Il n’y avait pas de gardien de nuit. Encore un hôtel bas de gamme et le propriétaire leur avait fourni des passes pour la porte d’entrée. Jeff avait laissé s’écouler du temps depuis le retour de lola. Faisant preuve d'une patience qui étonnait Alex, et il y songeait en s’appuyant sur la rambarde pour grimper au troisième. Ces escaliers raides étaient tuants. Même la Fender lui pesait.

     

    T'es obligé de la trimballer partout ?.. Lui avait fait Jeff.

     

    Alex s'abstint de répondre.

     

    De nuit une odeur de moisi s’échappait des tapis ou de fentes dans les murs. De minuscules veilleuses mourraient de solitude à chaque palier. Elles suffisaient à leur progression, leur évitant d’actionner l’éclairage principal. Jeff avait poussé Alex devant lui comme s’il voulait lui interdire toute fuite. Mais Alex n'envisageait rien de tel. Il n'en était plus à fuir. Comme s'il se découvrait indispensable au scénario.

     

    Parvenu à la chambre Jeff attrapa Alex par une manche et s’en allait coller son oreille contre la porte. Un filet de lumière au ras du sol indiquait qu’une lampe était allumée à l’intérieur. Il enfonça la clé pour voir. Après quoi il ouvrit la porte d’un mouvement brusque. Elle n’était pas fermée. Jeff s’avança et derrière lui Alex était pris de timidité. Il observait la chambre et le lit défait sur lequel Lola sans tension apparente les attendait. Sa jupe ne cachait rien et ses jambes dont une était repliée brillaient dans la pénombre. On distinguait mal son visage à la faible clarté de la lampe de chevet recouverte d’une revue. Très vite Alex sentit de l’hostilité dans l’air qui lui était destiné. Il se dit que Lola avait du mûrir  des arguments qui allaient forcément perdre de leur vigueur en sa présence. Elle savait comment s’y prendre avec Jeff en tête en tête. Mais elle devait craindre ses réactions d’orgueil devant un témoin. Alex ne l’aurait pas juré sinon que ce schéma lui paraissait universel. Il fixait le lit défait et des jambes qui le tétanisaient malgré la fatigue et la situation.

     

    - Nom d’un chien.. Il aurait juste fallu que le destin en décide autrement.. Et tu as peut-être raté l’occasion de ta vie ;.. Il râla intérieurement.

     

    Il fallait aussi trouver une contenance pour tenir à trois dans une chambre avec une bombe sexuelle au milieu. Alex se poussa au fond de la pièce. Tout contre l’évier. Cherchant un coin où poser la guitare. A sa droite Jeff avait choisi de se montrer ironique. Ses lèvres fermées esquissaient un sourire caractéristique. Celui qui annonce le dénouement des mauvaises farces. Mais ce fut Lola qui prit la parole.

     

    - Qu’est-ce qui t’arrives mon chou ?..Je te trouve tout drôle…

     

    - Euh.. euh.. Glapit Jeff sans desserrer les dents. Puis il s’assit sur le lit et tendit la main vers l’intérieur des cuisses. Tout près du slip.

     

    Lola sourit franchement, d’un sourire gonflé et rouge qui remua Alex bien plus qu’il n’aurait voulu. Il regretta amèrement de ne pas s’être donné plus de mal avec cette femme. Par contre Jeff et Lola se comportaient comme s’il n’existait pas.

     

    - C’est bien.. t’es une bonne poulette, qui rentre sagement à la maison où elle va attendre son homme.. C’est bien ma petite Lola… Murmura Jeff tout en lui caressant l’entrejambe. Levant ostensiblement la tête vers le plafond.

     

    Alex s’appuya sur le mur, palpant ses lèvres d’une main. La bouche encore plus sèche qu’au réveil. Il se souvint qu’il mourrait de soif et se pencha jusqu’à l’évier. Après avoir bu il s’aspergea la nuque.

    - Il y a un petit problème ma chérie ;. Tu devines lequel ?.. Il entendit dans son dos. Stupéfait qu’ils puissent l’ignorer à ce point.

     

    La voix de Jeff adoptait une douceur troublante. Irrationnelle dans de pareilles circonstances. Alex se raidit. Partagé entre la séquence érotique et l’envie de se mettre à l’abri. D’autant qu’il avait des crampes depuis son réveil. Il savait surtout que ça pouvait barder d'une seconde à l'autre.

     

    - Et quel serait d'après toi ce petit problème.. mon chéri ?.. Fit Lola.

     

    Elle s’empara des cigarettes sans bouger ses jambes. Comme si elle voulait fixer ses propres règles. Son entrejambe demeurait ouvert et faisait manifestement partie du jeu. D’ailleurs elle prit la main de Jeff pour l’enfoncer vers la zone plus humide. Très vite la fumée de cigarette baignait la scène.

     

    - La bagarre peut commencer.. Se dit Alex avec un brin d’envie. Il goûtait peu son  rôle insignifiant. Tout en étant conscient qu’aucun autre ne lui conviendrait.



     

     

     

     


    votre commentaire
  •  

    Alex se doutait que son retour à la Ford se ferait dans la douleur. Il venait de retrouver les Chiens Electriques au club, autant que les roadies dans un état d’ébriété avancé. Mais sans Nico et Lola qui avaient filé depuis un moment. Matt avait le regard vitreux. Débitant ses sarcasmes alcoolisés quand il s’était renseigné sur Lola. Alex s’était contenté d'un rictus qu’il aurait mieux fait de chercher à interpréter. Ce qui lui aurait permis d’apprendre à quel point cette histoire pouvait révéler de surprises. Mais Matt et les autres n’étaient pas de taille à saisir ce type de raisonnement. Alors il se résigna à tourner les talons.

     

    - Ils sont partis faire un tour.. C’est tout ce que je sais. Tu connais Lola mieux que moi ;. Elle aime pas s’ennuyer.. C’est même toi qui le disait.. Fit Alex en s’enfonçant à nouveau dans le siège du coupé.

     

    Jeff se mordit les lèvres et ne fit pas de commentaires. Tout se passait maintenant à l’intérieur chez lui; dans des recoins secrets. Puis le moteur de la voiture poussa un cri de colère. Quelques minutes plus tard le coupé stoppait dans la zone en terre battue du parking. Un lieu tassé d’ombres et qui permettait de surveiller l’emplacement réservé au bus. Juste sous les fenêtres arrières de l’hôtel. Jeff coupa le contact et reprit sa cogitation. Alex alluma une cigarette en se laissant gagner par la torpeur. L’esprit comme son regard absorbés par la nuit et la lumière vague des enseignes. Il lui sembla que les bâtiments et les files de voitures à l’arrêt s’animaient par instant. Des ombres mouvantes s’agitaient aux sommets crénelés des barres d’immeubles. Ces derniers formaient une longue falaise de l’autre côté de la place. Des brumes s'accrochaient aux vieilles briques. Une dizaine de fenêtres allumées découpaient des rectangles blancs sur les façades. Alex les fixait à tour de rôle comme si chacun d’eux était un signal le concernant. En fait il était éreinté, crevé de fatigue, et ne demandait qu’à se laisser hypnotiser pour dormir comme un enfant. Jeff mit la radio, et chacun se débrouilla pour tuer le temps.

     

    - Après tout on est pas plus mal ici qu’ailleurs ;. Pensa Alex. Dans l’habitacle éclairé par l’écran ultra moderne de la radio. En compagnie de Jeff qui emmagasinait des ondes négatives dans sa rumination.

     

    - Qu’est-ce qu’on attend ?.. Il se hasarda soudainement à demander. Gagné par l’ennui.

     

    - Le déluge.. Répondit Jeff. Quoique d’un timbre sans agressivité.

     

    Alex renifla en considérant cette réponse plutôt valable. Seule la cigarette le tenait toujours éveillée. Quand il se débarrassa enfin du mégot il se cala naturellement au creux du siège et s’endormit.

     

     

    ;;;;;;;………………

     

     

     

    - Ca doit te démanger de savoir ce qu’on fout sur ce bout de parking.. Hein mon gars ?..Et bien tu vas pas tarder à comprendre.. ELLE vient de rentrer au bercail, on va juste lui laisser le temps de s’organiser ;. Histoire qu’on se revoie sans précipitation.. On a le temps.. la vérité Divine.. sera encore plus claire .. Et puis on débarque toi et moi.. Il vaudrait mieux qu’elle soit seule, et que je sois pas obligé de la récupérer chez ton chanteur.. Chaque chose en son temps.. Qu’est-ce t’en dis.. tu te sens d’attaque ?..

     

    Alex distinguait chaque mot avec la sensation qu’il ne quitterait plus jamais ce profond sommeil. Mais il était plus simplement prisonnier d’un réveil névrotique. Un ragoût nerveux qu’il préférait ignorer à cette heure. Il eut envie de s’ébrouer et vécut la désagréable expérience de se retrouver paralysé. Son corps s’était simplement ankylosé dans une affreuse posture.

     

    - Toi.. moi.. et ELLE… le compte y est.. Non ?..  Il va bien falloir qu’il ressorte ce pognon.. ; Tu peux être que d’accord avec ça, .. ou je me trompe ?..

     

    Alex sortit enfin de son état et scruta l’immeuble. Sa vue n’était pas très bonne, et il eut du mal à percevoir ce qui rendait Jeff si sûr de lui. Il mourrait à nouveau de soif et mouilla sa bouche sèche avec la langue.


     

     


    votre commentaire