• Un Vieux Teppaz (78)

     

    - On croit toujours que ça va se passer autrement..

     

    C’avait été la dernière pensée d’Alex accroupi dans un coin de la chambre avant de s’endormir en chien de fusil.

     

    Mais le fusil c’est Matt qui le tenait, bien en ligne sur ses genoux. Assis sur une chaise de l’autre côté du lit. La face blafarde autour de l’œil gauche qui hésitait entre le rouge sombre et le carrément bleu.

     

    Quand toute l’équipe avait cavalé dans les couloirs de l’hôtel, quelques nez s’étaient pointés dans les embrasures de portes. La plupart de ces types étaient des ouvriers bossant sur des chantiers et l’heure d’y aller approchait. Les portes se refermaient rapidement. Ces gens estimant qu'un pareil remue ménage ne les concernait pas. Le chauffeur du bus tenta un come back, mais cette fois la seule mine de Nico suffit à le renvoyer  au lit. Tout semblait comme par miracle vouloir retomber dans les limbes de la nuit.

     

    Il n’y eut pas plus d’animation dans le terrain vague et ses alentours. Comme si à notre époque on pouvait s'occire à bout portant en comptant sur le fait que chacun se mêle enfin de ses seules affaires.

     

    Alex qui avait un moment tablé sur une intervention extérieure pour le sortir du pétrin finit pas s’assoupir. C’était la dernière tranche de la nuit, la meilleure et la plus tranquille. Il en avait oublié sa stupeur quand dans les dernières marches du troisième étage, il s’était retrouvé devant Lola. Debout les jambes écartées en spectre érotique. Elle ne prit même pas la peine d’ouvrir la bouche. Ses yeux ressemblaient à des billes noires et il savait ce que ça signifiait. D’autant qu’elle tenait un flingue en main et le visait en plein cœur.

     

    - Je viens chercher ma guitare et mes fringues ;. Il avait néanmoins tenté.

     

    - T’as raison.. c’est justement ici que ça se passe.. Elle répliqua vicieusement.

     

    Il s’exécuta sans un mot. Juste avant et pour la première fois de sa vie il avait pensé abandonner la Fender. Il ne demandait qu’à filer et le plus loin possible. Seulement les billets de Boyarkan se trouvaient dans sa veste. Encore ce damné grain de sable qui ne manque jamais au pire moment.

     

    ;;;;;;……..

     

    Alex fut tiré de son sommeil par une main qui le secouait sans ménagement. Il grogna en levant ses bras comme pour se défendre.

     

    - Allez réveille toi ;. Tu vas pas pioncer toute la journée..

     

    Il ouvrit péniblement les yeux en reconnaissant le voix de Kim. Il lui fallut encore plusieurs secondes pour voir ses idées se remettre en place.

     

    - C’est bon j’arrive.. Il fit en se frottant les yeux emplis de graisse jaune.

     

    - Se lever aux aurores n’a jamais été leur genre.. Il songeait.

     

    - Ce fric leur tape complètement sur le système.. Je me demande ce qu’il leur prend ;.

     

    Il entrevoyait une journée trop longue. Surtout si elle débutait de cette façon et aussi tôt. Alors seulement il aperçut Lola nonchalamment posée au bout du lit. La pièce était pénétrée d’une lueur pâle et encore brunie par la décoration lamentable.

     

    - On se faisait du souci.. Tu semblais parti pour l’éternité.. Elle lui murmura en se payant ouvertement sa tête.

     

    Elle aspira une bouffée de cigarette dont l’odeur le révulsa. Il n’avait rien avalé depuis au moins vingt heures.

     

    - J’aurais voulu que ça se passe autrement.. m’envoler le plus loin possible.. Gémit Alex.

     

    Il ne se découvrait aucune peur. Mais ressentait une lassitude pour ces courses poursuites, et des péripéties qui revenaient sans cesse à leur point de départ. Le fric, les cuisses magnifiques de Lola. L’épopée ratée d’un groupe de Rock-and- Roll qui avait perdu la boule. C’était comme un disque rayé sur un vieux Teppaz. La surboum était finie, les lumières éteintes, et personne s’était rendu compte de rien. Le disque tournait et grattait inlassablement dans l’obscurité du garage.

     

    - Euh.. euh.. T’es pas le seul à y penser, Beau Gosse... On aimerait tous que ça se termine vite ;. Et plutôt à l’amiable.. Suffit que tu lâches le morceau et on en parle plus.. Et t’as pas oublié tout de même que là dedans il y a ta part.. Cent mille ;; ça aide à remonter dans sa propre estime.. C’est pas vrai ?..

     

    Alex pensa que le réveil manquait de poésie. -  La réalité déçoit toujours. Il songea tristement. 

     

     

     

     


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