• C'est Vraiment la Fin (98)

     

    Alex fixa la porte de la chaufferie et mesura la distance qui les en séparait. Il ne voyait plus Jeff qui devait chercher son salut dans la fuite. Il se dit que c’est exactement ce qu’il ferait à sa place, profitant de la confusion. A moins qu'il se préparait à mourir. D’autant que Jeff il en était certain, ne se rendrait pas. Le mieux était de rejoindre cette porte et d’attendre. C’était même le seul moyen d’éviter les balles qui n’allaient pas tarder à siffler. Il tira Karine sèchement par les épaules, et tous deux se mirent à courir. Ils s’y engouffrèrent dans un seul élan avec leurs visages noirs et luisants. Il la referma comme un fou derrière lui et la furie cessait en une seconde. Il s’avança, ne distinguant pas grand chose dans l’ombre. Pourtant la demi obscurité le rassurait, et il ne chercha pas l’interrupteur. Le calme de la pièce lui semblait encore plus réconfortant de cette manière. Il poussa Karine vers le mur et prit de longues respirations. Elle gémissait faiblement. Mais il se sentait incapable d’en faire plus, comme la prendre dans ses bras par exemple. Tout avait été différent dans le feu de l’action, à présent elle lui pesait. Leurs chemins devaient se séparer et il était pressé d’en finir.

     

    -      Ca devrait aller.. Il lui fit en prenant place près d’elle.

     

    Continuant à marmonner.

     

    -      Y a plus qu’à attendre la fin de tout ça.. 

     

    Après quoi il se tut.

     

    Une voix rauque et sifflante prit la relève, du fond de la pièce à l’abri de la chaudière.

     

    -      Ils m’auront pas ces fumiers.. tu peux me croire le guitariste.. c’est écrit nulle part que le grand Jeff finira ses jours dans une putain de taule.. Les juges et les flics je les emmerde ;. C’est de leur faute tout ce bordel ;. Ils m’ont viré de l’armée et c’était toute ma vie.. Ca serait jamais arrivé sinon ;. Depuis ce jour pour moi il y a plus de règles.. Et maintenant Je dégueule sur les autorités..

     

    -    Que ça soit dit pour toujours.. Il ajouta après un silence ;.

     

    Alex manqua de défaillir.

     

    -     Elle finira quand cette guerre ?.. Il demanda aux fantômes de la chaufferie.

     

    Il ressentait une lassitude extrême. De la nausée sur laquelle il n’eut pas le loisir de s'attarder. Jeff s’était relevé et approchait. Il devina dans la pénombre l’état de son visage, tailladé et couvert de sang brun qui séchait. Visiblement il n’avait pu éviter quelques écueils. L’estomac d’Alex se tordit à son contact et Karine se moquait de tout dans son silence. On entendit une nouvelle explosion à l’extérieur. Sans doute celle d’un réservoir. Jeff humait l’air, faisant preuve d’un grand calme.

     

    -      Bon.. C’est pas tout.. Va falloir trouver la bonne solution.. Il fit avec ce calme impressionnant. Quand quelques minutes plus tôt il lui était impossible d’aligner deux mots sans hurler.

     

    -      C’est la force des cyclothymiques.. pensa Alex, et aussitôt l’idée lui parut si marrante qu’il fut pris d’un rire nerveux, un rire sourd qui lui secouait les côtes.

     

    Jeff grogna de plaisir en l’écoutant. Cette manière de voir les évènements le remettait de bonne humeur.

     

    -       Toi tu vas rester ici ;. Il lui fit d’une voix amicale.

    -          

    Puis il condamna la serrure de la porte métallique avec le verrou intérieur. C’était celle qu’il avait lui même forcé et il dut pour cela repousser le pêne à la main. Il n’oublia cependant pas d’en retirer la clé. Ce qui rendait toute fuite impossible.

     

    -       J’ai besoin de savoir ce qui se passe là haut… Tu bouge pas.. Il lui ordonna.

     

    Il entrouvrit la porte du couloir et disparut. Portant une arme dans chaque main. Alex pensa qu’il allait croiser le corps de Lola et l’image lui inspira divers sentiments. C'était une vision triste et lamentable, étrangement Romantique ;. Le rire néanmoins le secouait toujours par intermittence surtout que Jeff avait abandonné sur place le sac des billets et il venait d’y plonger la main.

     

    -      Voilà ce qui les a rendu fou.. du papier avec des chiffres dessus, rien de plus… Il fit à haute voix.

     

    Il soupesa le sac et une blague mortelle lui traversa l’esprit. Celle de le prendre sur son dos et de s’en aller dépenser le magot sur des îles de rêve. Jeff revenait déjà et il n’eut que le temps de reposer le sac à terre. Il actionna l’interrupteur et sans un mot entreprit de barricader l’accès avec une barre de fer ramassée près de la chaudière.

     

    -       On va monter.. Vous allez repasser devant.. Il leur fit. Puis ajouta.

     

    -       Ca va bientôt être l’heure des négociations ;. C’est là qu’on va commencer à rigoler.. J’aime autant vous prévenir ;.

     

    -       Putain.. Grommela Alex..

     

    -       On va servir de chair à canon.. c’est vraiment la fin…

     

    Il entrevit une scène macabre. Il se voyait allongé et sans vie avec des types qui l’auscultaient dans tous les sens, ne respectant rien. Seulement il manquait sa vieille Fender dans la scène, et il pensa que cela ne pouvait être son destin.

     

     

     

     


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