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    De loin dans la rase campagne c’était qu’une silhouette. Un curieux marcheur surmonté d’un chapeau droit à la gangster. Des mèches de cheveux rouges s’en échappaient. A sa hauteur les voitures ralentissaient, et les gens se tordaient le cou pour essayer de comprendre. Comme bernés par une illusion d’optique. Le temps incertain des matins d’avril hésitait entre les tièdes rayons du soleil et le froid d’un dernier vent d’hiver. On était loin de tout, et ça n’était pas le moins étonnant. Alex fixait le ruban noir de la route à plus de cent mètres devant lui, et le voyait s’accrocher dans l’horizon comme un signe du destin. Une marque ésotérique à déchiffrer. Tout lui semblait d’un vert désespérant, une campagne plate et filandreuse, à peine tâchée du rose tendre de pommiers sur sa droite. On pouvait imaginer que ce gars venait de tomber en panne ou fuyait le cœur dur des hommes. Marchant à l’infini sans trop savoir comment s’y prendre.

     

    Deux ou trois conducteurs se montrèrent plus motivés que d’autres. L’ayant repéré de loin et pris de compassion à sa vue. Mais aucune bonne volonté ne put lui arracher un regard. L’étrange bonhomme restait indifférent, se refusant à leur curiosité. Ils en déduisaient donc qu’ils ne faisait pas de stop et ne demandait rien à personne. Ses yeux restaient rivés sur un objectif mystérieux. Certains en arrivaient à le frôler, sans qu’il chercha seulement à écarter un genou. Après quoi les types se fendaient d’un mouvement d’épaule et redémarraient. Lui lâchant des volutes de gaz brûlé dans les pattes. On distinguait encore quelques tracteurs dans ce fond de chlorophylle. Pétaradants au milieu des champs comme de grosses machines têtues. Le ciel restant pour sa part, le royaume des oiseaux. Et ceux là se moquaient bien de la lourdeur des contingences terrestres.

     

    Sans leur prêter d’attention. Alex avançait d’un pas de granit sur le bas côté irrégulier de la nationale. Curieusement il ne trébuchait jamais, même sur les hautes mottes de terre laissées par des taupes vicieuses, et tapissées de mauvaise herbe. Des pièges traîtres et poussiéreux qu’il lui fallait enjamber. Franchissant tous les obstacles avec une lenteur obstinée de marcheur de fond. Dans un ralenti sourd et puissant. Une marche en avant pathétique.

     

    -   Qu’est-ce que c’est con la campagne .. ; Laissa-t-il échapper soudain derrière une grille de dents abîmés et barbouillés de nicotine.

     

     


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