•  

    En s’approchant de la ville, Jeff prit conscience des dangers supplémentaires. Chaque feu rouge pouvait cacher une patrouille de flics. Puis sans compter les embouteillages qui  allaient compliquer sa croisière. Il ordonna au chauffeur de ralentir et de contourner l’agglomération, quitte à rallonger le parcours. Il semblait n’avoir aucun plan précis. Imaginant simplement qu’il allait récupérer le magot et Lola. Hormis ces deux éléments tout le reste paraissait voué à finir dans les brumes d’une cavale sans fin. La musique cessa comme par enchantement, ou plutôt du fait d’un problème technique. Aussitôt remplacé par un silence trouble et une voix qui gémissait.

     

    -     J’ai soif… Râla Nico.

     

    Mais il repoussa la bouteille d’eau que Matt portait à ses lèvres.

     

    -      Pas de cette merde.. Il fit dédaigneusement.

     

    Matt se souvint alors que le matin même ils avaient assuré une provision complète d’alcools, et s’adressa à Jeff d’un air angoissé.

     

    -      Y a à picoler ici.. et on me dit rien.. Fit ce dernier en observant Nico dont le genou n’était plus qu’une plaie rouge et brune. On ne discernait aucune compassion dans son regard. Matt se leva et récupéra un carton à l’arrière du bus.  Il avait du mal à entrevoir l’extérieur avec la plupart des rideaux tirés.

     

    -      T’en passes à tout le monde… Lui ordonna Jeff en apercevant la dizaine de bouteilles d’alcool. Il plongea sa main dans le carton et en retira un flacon de tequila. Aussitôt après il descendait un tiers de la bouteille.

     

    -      On se sent mieux… Il s’écria en soufflant, puis fit claquer sa langue avec une moue ironique destinée à Lola.

     

    -      Comment tu la trouves notre virée ?… Il lui fit.

     

    Lola ricana. Le visage à peine crispé.

     

    -      Y a rien à regretter…. Qu’est-ce t’en dis ?..  Elle lui rétorqua. Plantant son regard dans le sien.

     

    -      C’est bien… Il approuva. En hochant la tête. Il paraissait satisfait de la réponse de Lola, et tint à lui faire savoir.

     

    -     J’ai jamais douté de toi ;.. Il lui dit. Frottant son index sur sa joue.

     

    Il aurait bien continué sur ce ton si le téléphone n’avait sonné dans sa poche. La sonnerie militaire lui arracha un grognement qui ressemblait à un cri de joie.

     

    -     Ah putain c’est toi Jojo.. Il s’exclama. Alors ça dit quoi ?…

     

    -      Quand ça ?.. tout de suite là ?.. T’es sûr de toi ?.. Putain ;. Et qui c’est qui l’a chargé ce bourrin ?..

     

    La musique lourde et sauvage reprit à l’instant même, le bug technique n’en a avait rien à faire des courses de chevaux. Jeff rugit comme un lion.

     

    -    Arrête moi cette musique de merde.. Putain .. IL Hurla.

     

    Mais la voix d’Iggy se moquait fabuleusement de ses cris de rage.

     

    -         I wanna be your Dog… Now I wanna be your Dog... Well C’mon..

     

    -                         I’m Ready to close my Eyes.....   ..... .. to ....close my Mind.....

     

    Elle lui riait au nez et s’acharnait à le rendre insignifiant. C’est pourquoi il ne chercha pas de demi mesures, visa et fit feu sur l’appareil qui cessa immédiatement de fonctionner.

     

    -  Allez vas-y Jojo continue.. Mais non c’est rien ;. Me fais pas chier avec ça, tu sais comment c’est ?;. Ah d’accord.. .. Mets le paquet alors.. Je te suis ;. Et il s’appelle comment ton bourrin ?.. Dernière chance.. Ouaih T’as raison.. Tu peux y aller.. c’est un nom qui porte bonheur ;. Je te suis…  tu m’mets tout mon pognon sur lui ;. Dernière chance.. Ouaih..  j’te suis.. Allez Jojo rappelle moi ;. Je suis occupé là.. j’tembrasse…

     

    -    Putain.. Mais il va nous faire une syncope ce con.. redresse le volant et calme toi connard.. Il balança au chauffeur qui tanguait.

     

    -     Ca atteint des limites.. Commenta Alex à voix basse,

     

    -     .. Vivement qu’on en finisse ;. Il marmonna encore avant de s’offrir une gorgée de scotch.

     

     

     




    votre commentaire
  •  

    Le bus effectua un demi tour devant  le bâtiment de ciment gris. Illuminé par le soleil qui entamait sa descente à l’horizon. Massacrant quelques plantes sur son passage et toutes portes ouvertes. A l’intérieur Karine s’agrippait à une barre verticale, peinant à conserver l’équilibre. Jurant à chaque soubresaut que le chauffeur devenu à moitié fou laissait prendre au véhicule. Et par moments il sentait le canon de l’automatique dans sa nuque. Ne trouvant alors qu’à sangloter.

     

    -     Sale con… Lui cria Karine.

     

    Elle venait de se cogner dans le coup de frein final. Pendant que l’engin s’élevait du cul dans un nuage de poussière. Elle grogna et passa la tête au dehors. Ses cheveux luisaient comme si on venait de les passer au cambouis. Elle hurla.

     

    -    Amène toi Jeff.. on se casse..

     

    Une procession de gueules sinistres déboucha de l’entrée du bâtiment. Se dirigeant vers le bus en une seule file. Kim marchait en tête. Derrière lui Matt soutenait son frère qui s’appuyait sur un demi pied de micro. Une canne de métal chromée qui grinçait sur les cailloux. Il venait de farouchement refuser d’être porté.

     

    -     Dégage..  Il avait fait à Bœuf qui voulait le soulever. Ils avaient tous reculé d’un pas.

     

    Lola suivait Alex la tête dressée, et avait encore assez de tenue pour allumer une cigarette. Jeff fermait la marche avec la grenade à porté des dents, escamotant les armes dans un sac de toile entre ses bras. Le torse nu et poisseux sous le cuir du blouson. Il poussa le groupe dans le bus en surveillant les alentours. Mais le parking restait étonnement vide. Comme si leur histoire tournait en rond dans un monde indifférent. Alex repéra néanmoins le coupé vert un peu plus loin, qui lui rappelait à quel point une vie pouvait devenir loufoque d'une minute à l'autre. Les portes du bus  se refermèrent aussitôt et l’engin s’ébranla faisant voler la poussière. Frôla un mur et arrachait les piquets du parking avant de trouver son chemin. Nico poussa un râle quand son genou ballotté heurta le montant du siège. Il s’était allongé dans l’espace salon autour de la table centrale. Sa joue cherchait la fraîcheur d’une vitre. Ses yeux à peine entrouverts observaient le ciel. Sa respiration devenait longue et sifflante. Ses phalanges craquaient.

     

    Jeff s’agitait dans l’allée, les bras levés.

     

    -     Tout le monde assis et magnez vous le train.. Et on tire les rideaux..; Il aboya.

     

    Arpentant le couloir en donnant des coups de reins sur les sièges pour conserver l’équilibre. Sa bouche tendue crachait du sang. Il paradait avec un voile dans le regard, contrôlant parfaitement la situation. Mais le fait curieux était qu’il semblait avoir perdu la maîtrise de lui même. Puis d’un coup il sauta vers Bœuf et lui enfonça le canon du pistolet mitrailleur dans l’oreille.

     

    -      Tu veux jouer au con toi ?…

    -          

    Il tremblait de rage et Bœuf se prit la tête entre les mains, laissant tomber un téléphone que Jeff écrasa d’un seul coup de talon. Prenant son élan pour lui balancer une claque magistrale. C’était plus humiliant qu’un coup de fusil, et le batteur couina.

    -          

    -     Sortez moi vos portables.. vite.. Il ordonna. Rageant de n’y avoir pas pensé plus tôt.

     

    Il pointa son arme sur chacun et chaque fois répétait la même opération. Un seul coup de talon et l’appareil rendait l’âme. Bœuf ne voulait plus décoller ses mains du visage. On n’apercevait plus de lui que son gros cou plissé. Le sang dégoulinait de son oreille.

     

    Le lourd véhicule fendait l’air à toute vitesse, laissant un chuintement épais sur son passage. Comme la chute d’un avion.

     

    -     Balance nous la musique connard.. Intima Karine.

     

    Le chauffeur enclencha la sono et un rythme d’acier noya la carlingue.

     

    -     Mets plus fort j’tai dit.. Tu veux que j’te montre… Lui cria-t-elle dans la nuque. Visiblement enchantée par son nouveau rôle.

     

    Le type eut un mouvement nerveux et poussa le volume à son maximum.

     

    Un son lancinant et brutal fondit sur la bande, qui rendait l’air gluant. Les neurones vibraient de tous leurs éléments électriques sous les décibels. Les tympans s’enfonçaient dans les crânes. Résonnaient du rythme cardiaque occidental. Qui n’est rien d’autre qu’une marche funèbre à quatre temps. Et dans ce vacarme on entendit la voix de Nico qui brisait le mur du son, parvenait encore à se faire entendre. Reprenant les paroles en se contorsionnant. Comme si un mégaphone lui était rentré dans la gorge. Alex était muet d’admiration. Il n’avait jamais imaginé qu’il pourrait jouer ce jeu jusqu’au bout.

     

    Jeff continuait d’arpenter le couloir. Les traits grimaçants et soufflant. Devant lui Alex vit Bœuf qui en rythme cognait le siège de ses poings. Se souvenant que c’est lui qui avait fait le programme de la sono. Un épais filet de sang coulait de son oreille, et il vérifia que ça venait bien de l’intérieur.

     

    -           With the lights out it’s less dangerous..

    -          

    -                                  Here we are now, entertain us...        -     Hurla Nico.

     

     

    Le volume sonore pétrifiait l’intérieur du bus qui cahotait à plus de cent à l’heure sur la nationale. Partout autour des voitures faisaient hurler les klaxons. Un conducteur arrivant en face fit un brusque écart et finit sa course dans le fossé. Puis un roadie se mit à vomir entre deux sièges. Karine par contre exultait avec son automatique à bouts de bras. Pendant que son estomac bataillait pour dissoudre un mélange explosif. Amphés, coke, whisky, les barbituriques braqués le matin même à un pharmacien. L’homme à cette heure là se trouvait aux mains des chirurgiens qui faisaient leur possible. Il avait eu tord de ne pas se méfier quand elle lui avait demandé de la crème solaire. Dans la main de Jeff la grenade semblait pressée d’éclater.

     

    -               I feel stupid and contagious

    -          

    -                             Here we are now, entertain us



     -       A mulatto...    An albino....      A mosquito...    Mi

     

         libido....  A denial.... A den...

     

     

    Nico tourna de l’oeil et n’alla pas plus loin. Sa tête retombait dans les bras de son frère qui sanglota.

     

    -   Ca pue la mort pensa Alex.

     

     

     


    votre commentaire
  •  

    Il enfourna le pistolet-mitrailleur dans sa ceinture et brandit la grenade qui avait chauffé dans une poche du blouson. Après quoi il effectua un tour complet sur place, dévisageant chacun et transpirant à grosses gouttes. Repoussant la douleur qui mordait ses entrailles. Il y avait quelque chose de surhumain en lui. Fascinant et terrifiant en même temps. C’était le genre de personnage que les musiciens célébraient dans leurs chansons. Seulement ils auraient payé le Diable pour qu’il le tienne à l’écart de leur vie réelle. Malheureusement aussi il était trop tard, et le Diable avait choisi son camp. L’air de la grande salle devenait irrespirable.

     

    A cet instant Nico reprit connaissance et on l’entendit râler. Jeff l’observa d’un air curieux et soudain posa la grenade. Ecartant doucement le blouson pour plonger la main dans une poche intérieure.

     

    -   Tiens.. Il fit. .. J’veux pas l’entendre chialer.. Jetant un tube à Matt qui échoua au sol.

     

    Il s’empressa de le décapsuler et fit avaler plusieurs pastilles d’un coup à son frère. Nico haleta d’abord et parut se calmer.

     

    -    Ca sent l’enfer ;. Songeait Alex pétrifié. Conservant sa guitare à bouts de bras d’une façon assez bizarre.

     

    -    J’annonce la couleur.. S’exclama Jeff. Elevant la grenade au dessus de sa tête.

     

    Un masque s’était plaqué sur son visage.

     

    -    Celui qui a fauché le fric va me raconter sa vie, y a plus de sortie de secours.. C’est toi ?… Il fit à Kim.

     

    Il s’avança vers le roadie et poussa les canons du fusil sur sa poitrine, l’obligeant à reculer.

     

    -    Non.. n.n.. non.. J’te jure que j’y suis pour rien.. C’est pas vrai.. je sais pas où il est ce fric..

     

    Kim bredouillait et tremblait de tous ses membres.

     

    -     Mais c’est toi qui m’a flingué en traître, ou j’me trompe ?.. Non.. j’crois pas que je me trompe ;.. Il ajouta en lui enfonçant les canons dans la peau.

     

    Coincé sur le rebord de scène Kim laissa échapper un cri de douleur.

     

    -    Pardon.. j’te demande pardon.. je savais pas ce que je faisais.. Tu dois me croire ;.S’il Te Plait.. Il fit implorant. La face décomposée.

     

    Jeff prit un rictus méprisant.

     

    -    Je sais ;. Ta chance c’est que le plomb a fait que passer.. et depuis j’ai la tête occupée à autre chose..

     

    Il recula et agita à nouveau la grenade.

    -    Je vous préviens tous… j’ai rien à perdre.. On va tous y rester, mais le fric va sortir.. Toi là bas…

     

    C’était le tour de matt. Il pointa le fusil sur lui et le fixa férocement.

     

    -    Non.. non… si je savais où il est ;. Je te le donnerais sans perdre une seconde pour appeler un toubib.. J’en ai rien à foutre de ce fric.. Et c’est pas mon frère non plus;. S’il l’avait je le saurais ;. C’est la vérité.. Il lui répondit essoufflé.

     

    Jeff réfléchit sans baisser son arme.

     

    -     Je te crois.. Il fit.

     

    Puis reprit sa ronde au milieu de toute la bande figée comme au musée Grévin. La terreur se lisait dans les yeux de celui qui le voyait s’approcher. Jeff tourna encore à pas lents, hésitant sur sa prochaine cible. A moins qu’il comptait ainsi les vider de toute substance. Il n’aurait eu alors qu’à les prendre et les retourner comme de vulgaires poulets morts.

     

    -    TOI… Il cria d’un coup en fonçant sur Walli.

     

    -    Crache le pognon.. T’as cinq secondes.. Un.. deux.. tr…

     

    -     Non.. non.. Il se mit à larmoyer..

     

    -     Je savais même pas qu’il existait.. Ils me disent rien ;. Ils font leurs affaires entre eux ;. Je te le jure.. Vraiment je te le jure.. Il supplia, et on le vit joindre ses mains. Comme à la messe.

     

    -    Amène toi par ici ;. Je veux te voir plus près.. Cria Jeff.

     

    Walli descendit de la scène en tremblotant. Il parvint à sa hauteur quand Jeff le cueillit d’un coup de crosse au ventre qui le fit plier en deux.

     

    -     Je t’en supplie.. Fit Walli que Jeff obligeait à se redresser.

     

    -     Je l’ai pas.. tu dois me croire… je suis un pianiste, c’est tout.. j’y connais rien..

     

    Jeff leva lentement son arme et visa le front sans rien ajouter. Quelques secondes s’écoulèrent, lourdes et terrifiantes, avant qu’un gargouillis se fasse entendre. Jeff regarda à ses pieds et vit que l’autre se pissait dessus.

     

    -   C’est pas toi qui a le fric.. Il lui concéda d’un ton froid.

     

    Puis recula lentement ; prenant garde à ce qui se passait autour de lui. Mais personne avait l’idée de le contrarier. Alors il reprit son manège et les secondes défilaient interminables. Les visages suaient, les gorges se contractaient, et on n’entendait plus un souffle dans l’étrange silence. Jeff avançait d’un pas mécanique, déployant devant lui ses bras de tueur fou.

     

    -     On n’a plus de temps à perdre.. Il s’écria d’une voix faiblissante.

     

    -     Je veux le fric.. dans cinq secondes je débouche le champagne, et tant pis pour nos gueules à tous..


     

    Alex eut la conviction qu’il ne bluffait pas. La grenade pouvait bien être l’ outil du jugement dernier. Pourtant il ne rencontrait en lui qu’un sentiment de lassitude. Comme si l’histoire avait déjà englouti sa vie entière, et les cinq secondes duraient des heures. Mille fois trop longtemps. Quand un cri jaillit.

     

    -     Je sais où il est le fric.. Hurla une voix.

     

    -     Il est dans les chiottes de l’hôtel,..  y a une gaine de ventilation…

     

    Alex secoua la tête, incrédule. En bas des travées le vieux chauffeur du bus fondait en larmes. Il se cachait le visage comme couvert de honte.

     

    -     Tout le monde aura voulu en croquer.. Se disait Alex.

     

    -     Crétin.. Fit Jeff.

     

    -     Et tu pouvais pas nous le dire plus tôt ;. Y a une heure quand on t’a coincé à l’hôtel et fait fouiller les chambres ;. Tu vois un peu la merde que t’as foutu.. Putain.. t’es encore plus con que la moyenne…

     

    -      Pauvre type ;. Murmura Nico,

     

    Il était extraordinairement pâle. Mais les barbituriques combattaient la douleur à sa place.

     

     

     

     

     

     


    votre commentaire
  •  

    Karine éclata de rire, expulsant des mots à peine audibles.

     

     

    -     Ca te pendait au nez… Tu croyais que j’étais ta chienne,…  t’es plus rien maintenant.. Pauv’type.. ;

     

    Elle continua avec ses imprécations. Contournant la scène d’une manière théâtrale et Matt la suivait des yeux. Il plongea une main dans son gilet et prenait tout le monde par surprise. Venant de ressortir la seule arme qui n’avait pas été cachée sous la console. 

     

    -     NOOON.. S’écria Alex.

     

    Il fonça sur Matt sans réfléchir, le fauchant d’un coup de pied à ras de terre. Le bassiste effectua une figure de voltige et lâcha son arme. Le flingue rebondit, atterrissant au bas des marches.

     

    -     On touche plus !.. Grogna Jeff.

     

    -    Ordure.. Siffla Matt. Se tournant vers Alex qui le regardait bêtement.

     

    -    Bravo vieux.. Je savais que t’étais avec nous.. Ricana Jeff de sa voix crachotante.

     

    Enfin Alex releva la tête, les bras pendants et la mine défaite.

     

    -     Je suis avec personne.. Mais on tue pas une gonzesse dans le dos.. Il fit en respirant très fort.

     

    -     Mais qu’est-ce qui t’as pris ?.. Il se disait en lui, presque à voix haute.

     

    -     t’avais jamais levé une main sur qui que ce soit jusqu’à aujourd’hui.. Fais gaffe à ce qui t’arrive, c’est leur truc à eux tous.. Un piège à rats, un nid de serpents… dans une heure tu seras comme eux.. Ce coup de pied il est pas tombé du ciel.. rappelle toi;. c'est le flic qui te l'a appris, quand tu marchais sur la route.. N’empêche que t’as eu raison pour Karine.. Fallait pas la laisser venir dans ce cirque.. C’était joué d’avance, et si un jour tu discutes avec ta conscience, elle te dira que tu savais…

     

    Sur les planches Nico ne bougeait plus. Son corps pendait dans les bras de son frère qui le secouait. Sa pâleur de linge tournait au mauve sous certains angles des éclairages de scène.

     

    -    Nico reviens ;. Fais pas le con.. Reviens ;. Dis, tu me laisse pas tomber.. Criait Matt en le serrant contre lui.

     

    Jeff le coupa net.

     

    -     Arrête ton cinoche.. Il a piqué un petit roupillon, et il a bien le droit de se reposer ce garçon..

     

    Seul Alex pouvait affirmer que les paroles de Jeff ne sortaient pas d’un cerveau résolument cruel ou cynique. L’azote liquide coulant dans ses veines lui donnait une vue faussée du monde. Néanmoins sa voix qui déraillait les affolait tous.

     

    -    Lola approche toi.. M’oblige pas à venir te chercher;. Il faut que tu sortes le fric, et garde les conneries que tu racontes aux autres.. Puis après on se casse, seulement toi et moi.. Loin de ce tas de merde, comme on avait juré que ça serait.. Viens Lola…

     

    -    Te fatigue pas Jeff, on lui court tous après, ce satané paquet de billets.. à croire qu’il a pris l’avion un matin.. je te jure que j’en sais pas plus que toi depuis le début..

     

    Devant la scène, plus bas qu’elle, Karine lança sa tête en arrière et pouffa.

     

    -    T’as rien pigé pauvre conne.. le fric je me l’étais mis de côté pour moi toute seule, comme une grande ;… T’imagine pas que je te regardais faire sans réagir.. et c’est là que ça coince justement, parce que quand on a voulu le récupérer.. Il avait vraiment disparu… Il était dans le linge sale au fond du bus.. Alors je vois pas où est le mystère, on sait où il est..  Suffit de vous secouer les uns après les autres, et le pognon va rappliquer… Ca te convient la blondasse ?…

     

    -     J’en dis que j’te pisse dessus.. tu t’es regardée râclure ?…

     

    Lola avait les yeux injectés de sang et manqua de bondir vers Karine qui sans hésiter leva son arme.

     

    -     PAS çaaa….. Hurla Jeff qui venait de se précipiter.

     

    -    Ya des choses que t’auras jamais le droit de faire.. Il lui jeta à la figure en lui serrant le poignet. Puis se tourna vers Lola.

     

    -    Sans elle je serais plus ici pour en parler.. elle m’a ramassé quand ces enpafés m’en ont collé une dans le bide.. ça coulait comme un robinet.. et je lui dois la vie.. Elle m’a mis dans la bagnole et on s’est tiré, et c’est encore elle qui m’a trouvé un toubib.. C’est le genre de service que j’oublie plus.. mais personne à le droit de toucher à MA LOLA… Il fit d’une voix essoufflée.

     

     

    Karine à son tour se mettait à trembler et Lola l’observait avec un sourire triomphant.

     

    -    T’as tord de le prendre comme ça.. Grogna Jeff.

     

    -    J’ai peut-être dis que personne avait le droit de te toucher.. Mais j’ai pas parlé de moi là dedans ;. Il continua.

     

    Retrouvant une colère froide et calculatrice.

     

     

     

     

     

     


    votre commentaire
  •  

    Un cri de terreur retentit à deux pas de lui. Les nerfs de Walli lâchaient. Implorant le ciel avec des hurlements nasillards.

     

    -     Y vont nous buter… Ouaih.. Je le sais.. Je le sais qu’ils vont nous buter, je comprend plus rien.. .. Il faut jouer les mecs.. Il faut jouer.. ça coûte rien de jouer !.. Je vous en supplie les mecs ;. Il faut jouer..

     

    Ses jambes filiformes gainées de cuir faisaient des soubresauts. Pas foutu de se calmer, Il tournait en rond, affolé et perdu. Comme si on l'aspergeait d’insecticide.

     

    Sur le devant de la scène, planté au sol. Nico à genoux dévisageait alternativement Karine et Jeff. Alex pouvait lire dans son esprit où une seule idée prenait toute la place. Il se demandait comment il avait pu commettre l’erreur de sa vie. Savoir un fauve en liberté autour d’eux et se comporter en rigolo comme tout le reste de la bande. Ils auraient dû se montrer à la hauteur du scénario. Quitte à jouer aux cow-boys il fallait tenir compte des nombreuses possibilités s’offrant avant que le mot FIN.. vienne s’afficher sur l’écran. Et parmi ces possibilités il s’en trouvait une beaucoup plus déplaisante que les autres. Celle qui consiste à voir le méchant du film se tirer avec la caisse et la belle blonde au bras. Après les avoir tous rétamé bien entendu. Dents serrées et lèvres ouvertes il contemplait le désastre.

     

    -      On reprend les gars.. Paradise Blues… Il fit d’une voix glaciale.

     

    Puis se redressa en enlevant son léger boléro. Torse nu il s’approcha d’un micro et on sentait qu’il retrouvait son élément.

     

    Alex ré-accorda vite fait sa Fender et se tourna vers Lola.

     

    -     T’as rien d’autre à faire que des Ouh… ouh.. quand ça viendra.. Contente toi de me regarder.. Il lui dit…

     

    Avant de reprendre.

     

    -     Il y a pas non plus de raisons qu’on massacre une bonne chanson..

     

    Lola le dévisagea.

     

    -     C’est plutôt le moment que TOI.. tu nous prouves c’que t’as dans le bide ;. Le Gentil Guitariste…

     

    Elle lui rétorqua sarcastique.

     

    Alex en eut froid dans le dos. Son calme la sidérait.

     

    Bœuf envoya un son lourd de grosse caisse pour donner le tempo. Nico leva un bras très haut, main ouverte, et scrutait le plafond.

     

    -      .. Je suis monté au ciel un soir de grand ennui.. Pour faire un tour, seulement pour voir..           

                                

                                        .. j’croyais d’abord..

    -          

    -     Mais j’avais pas oublié mon stock de carburant.. Du bourbon et d’la poudre à gogo..

    -          

    Le chanteur déploya les bras. C’était sa marque, la pose christique qui allait faire sa renommée. Un de ces détails qui rend les filles dingues à peine les premiers succès. La mélodie s’assombrissait, se pliait dans les mineurs. La ligne de basse devenait lourde et mortuaire.

     

    -     .. J'my suis fais une cabane au bord de l’océan.. doux et calme.. Bleu jusqu’à l’horizon ;. Caressé par le vent..

     

    Alex fermait les yeux. Il n’avait jamais ressenti une telle brûlure auprès d'un chanteur.

     

    -     Ici personne ne m’dit plus.. Fais ceci ou cela.. C’est toujours l’été…

    -          

    -    Et d’là haut je vois l’monde comme il est..

     

    Il arracha le micro de son pied.

     

    -      ..Vous comprenez q’l’envie m’a pris de jamais vous retrouver..   

     

                              ...Bande d’Enculés..

    -          

    -      .. Et du levant au couchant..  Ouh.. ouh..

     

                                  ...  Je descend le Blues du Paradis…

     

                    .... Je descend le Blues du..  Pa.. ra..  diiis....

     

                                   .. Ouh.. ouh.. 

     

     

     

    Nico se mit à danser en face de Karine, à moins d’un mètre. Son ventre nu et blanc la provoquait. Il le gonflait avec des poses obscènes avant de se caresser le sexe. Comme pour lui rappeler qu’elle y avait goûté. Puis soudainement se figea, la perçant du regard.

     

    -      Va te faire foouutre.. Personne peut se vanter d’avoir mis Nico à genoux… J’t’emmerde.. Il lui cria au nez avant de balancer le micro au loin.

     

    -      Siiii.. moi j’lai faaiit .. Elle hurla. Et elle pressa la détente, une fois de plus.

     

    Le mauvais écho de la salle noyait le cri de Nico quand il s’affaissa.

     

    -      SALOOOPE… Cria Matt en arrachant sa guitare. Il se précipita sur son frère qui se contorsionnait en crachant. Comme si tout le mal était en lui et n’avait rien à voir avec sa jambe.

     

    Alex ne parvenait plus à rassembler ses pensées. Les évènements lui paraissaient trop irréels. Ils en perdaient même leur caractère dangereux. IL baissa quand même les yeux et aperçut le genou du chanteur, le tissu déchiqueté d’où s’échappaient ce qui lui sembla être des lambeaux de chair et d’os baignés de sang.

     

    -      Il ne dansera peut-être plus jamais.. Si ça se trouve .. 

     

    Il pensa l’esprit au ralenti, sans émotions apparentes.

     

     

     


    votre commentaire