•  

    Matt se jeta sur son frère.

     

    -     Noonnn.. salaud. gros salaud.. t’avais pas le droit, j’ai que lui au monde ;. T’avais pas le droit.. Il faisait avec des sanglots secs et durs.

     

    Jef s’était figé, il contemplait Lola avec une tristesse qui semblait l’étonner lui même. Non loin Bœuf serrait les poings et soudain s’élançait à son tour ;.

     

    -      JE VAIS TE CREVER… Il hurla en plongeant sur lui au niveau de la ceinture.

    -          

    Tous les autres autour, paralysés, n’étaient pas plus vivants que des statues de pierre. Bœuf cueillit Jeff comme un camion fou. L’écrasant de ses deux cent livres compactes.

     

    -      Bâtaaarrd.. On l’entendit crier dans la mêlée de chairs qui se convulsait au sol.

     

    A cet instant seulement Alex émergea du brouillard, juste à temps pour voir Karine pointer l’automatique vers le dos de Bœuf qui prenait le dessus. Il démolissait Jeff avec une hargne de malade. La grenade roula au sol et il cognait à mort. Chaque coup résonnait dans le hall, rebondissait sur les murs et frappait les cerveaux.

     

    -      Pas ça.. Cria à son tour Alex.

     

    Il se précipita sur Karine et la ceintura. Elle tenta aussitôt de lui échapper, griffant et maugréant des paroles qui n’avaient aucun sens. Possédée par une crise de démence. Alex accentua son étreinte, calant son menton tout contre sa nuque. Même ainsi il parvenait difficilement à la contenir, et il voyait les plus veinards qui loin de l'aider se barraient comme des rats.

     

    -      Fais pas ça.. t’es perdue pour toujours si tu tires.. je t’aiderais.. Il lui faisait en suffoquant.

     

    -      Je dirais qu’il t’a obligé ;. Que t’y est pour rien, je t’en supplie…

     

    Entre ses bras elle devenait molle. Observant les cadavres d’un air ahuri. Pâle et défaite, et elle sortait d’un mauvais rêve.

     

    -     Qu’est-ce qui se passe ?.. qui c’est ces deux là ?.. Elle psalmodiait en laissant tomber l’automatique. Tous deux fixaient la bagarre au sol quand une gerbe de sang perça la veste  bleu de Bœuf, avant qu’il retombe à l’horizontale. Sous lui Jeff avait encore le plus grand mal à se dégager. Il grogna et finit par se relever, repoussant Bœuf d’un bruyant coup de pied. Il le regarda brièvement mourir les bras en croix sur le carrelage.

     

    -      Mamaaan.. mmmaann.. Fit Bœuf en expirant.

     

    -      Mon Dieu non !… Faisait Alex, portant une main à son front.

     

    Dans le Hall il ne restait plus grand monde de vivant. Matt s’était couché sur son frère et pleurait toutes les larmes qui lui venaient. Il le serrait contre sa poitrine les mains maculées de sang. Jeff soufflait et se tenait le ventre en grimaçant. Les reins cassés et la gueule pendante, bien amochée. Sa blessure le brûlait. C'était comme s'il y couvait des braises. Il ne s'intéressa plus à Lola avec ses jambes intactes qui brillaient sur la dalle froide. Préférant garder ses forces pour ramasser le sac poubelle rempli de billets. Il en oubliait ses affaires personnelles et se tourna vers Alex  qui serrait Karine contre lui.

     

    -       Charmant.. Il leur lâcha dédaigneux, et siffla de douleur.

     

    -       C’est pas fini la ballade.. On repart… Vous allez marcher devant.. Il leur fit ensuite.

     

     

     

     


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  •  

    Les billets étaient planqués dans un sac poubelle noir à l’abri d’une chasse d’eau murale. C’était tout un bricolage dans les toilettes d’appoint situées en bout après les chambres. Un coffrage de contreplaqué y faisait office de gaine d’aération. Sans doute pour répondre à des règles quelconques d’hygiène ou de sécurité. Le chauffeur en attendant avait fait preuve d’un bel esprit d’à propos. Il lui aurait suffit de revenir récupérer son butin à n’importe quel moment, en toute quiétude une fois l’orage passé. Comme quoi tout le monde peut se révéler corruptible, ce n’est qu’une question de montant et d’opportunité. Il alla de lui même soustraire le sac noir de sa planque. Tous l’observaient de leurs yeux ronds. Il ne s’était même pas donné la peine de remettre en place les vis qui fixaient la planche. Un petit coup sec sur le côté et elle pivotait gentiment. Cela ressemblait à un tour de magie. Jeff récupéra le sac que le vieux lui tendait en chancelant. La lumière crue du ciel pénétrait à l’horizontale au travers d’une grande vitre censé éclairer l’étage tout entier, et la peau du chauffeur sous la lumière d’un soleil de fin de journée était olivâtre et grasse. Comme celle des mourants.

     

    Jeff ouvrit le sac et sa peau à lui se colora légèrement.

     

    -     On reste sage.. Il s’écria.

     

    Alors que personne ne pensait lui disputer le magot. Tous le contemplaient comme électrisés. Se demandant peut-être s’il était décent de se réjouir du retour des billets. Ils lui en auraient bien farci le bide s’ils avaient pu. Mais c’était lui qui avait les armes en mains. Puis de toute façon, il était mille fois plus cinglé qu’eux, et cette évidence les écrasait. Ils avaient enfin compris qu’à moins de le buter, il leur faudrait négocier une sortie même pas honorable, qui leur accorderait tout juste une chance de conserver la vie. Il était fou pour de bon, alors qu’eux s’étaient contentés de jouer les méchants, et c’était toute la différence.

     

    Jeff se précipita vers sa chambre qui n’avait toujours pas été libérée, et s’empara des sacs de voyage. A l’arrière du groupe Lola agitait le Canons Sciés comme s’il lui brûlait les doigts. On pouvait se demander si une balle n’allait pas partir inopinément, et à la voir se démener il aurait été difficile de prédire ses intentions. Mais le remue ménage commençait aussi à attirer du monde dans les étages. Des clients venaient de surgir en haut de l’escalier, le nez frétillant et avides de bagarres sanglantes.

     

    -     Chacun chez soi.. y a rien à voir… cassez vous vite ;.

     

    Hurla Jeff en les repoussant violemment.

     

    Provoquant une cavalcade qui se termina par le claquement des portes qui se refermaient. A présent il se déplaçait par bonds rageurs et survoltés, crevé et pressé d’en finir. Les billets lui donnaient des ailes, le bourraient d’énergie. Bousculant tout sur son passage. Battant l’air des bras et prenant le risque de provoquer un coup de folie dans les cerveaux malmenés. Mais la peur avait bouclé les esprits. Les regards se cherchaient et se fuyaient aussitôt. Chacun reconnaissait sa trouille et sa propre lâcheté chez les autres. Et c’était comme une ballade aux enfers. La descente prit aussitôt des allures de débandade. L’angoisse accélérait les mouvements, rendait maladroit et pitoyable.

     

    -     Tu fais plus le malin ;.. Pensait Alex à son propre sujet, et il en menait pas large.

     

    Le groupe déboula au bas de l’escalier d’où montait une voix fêlée et rêche.

     

    -        ..It’s gettin’ dark,  too dark for me to see..

     

                    ..... I feel like I’m knockin’  on heaven’s door..

     

    -     Tu vas fermer ta gueule toi ,.. Grogna jeff à Nico qui chantait sur la vieille radio allumée et qui se considérait comme le premier admirateur au monde du grand Bob.

     

    -    .. J’t’enmmerde….   ..   Knock, knock, knockin’on

     

    -                                   heavens’doooor’….

     

      Continua Nico.

     

    Alex se retourna et aperçut lola qui descendait comme sur des échasses. Ses jambes lui semblèrent encore plus longues, démesurées et vibrantes. Il sentit que Jeff s'était aussi retourné pour l'observer, et même cherchait son regard. Mais sans le rencontrer. Lola hésitait et fixait le vide. Les tons ternes et usés du hall brunissaient les visages.

     

    -        ..That long black cloud is comin’ down...

     

    -                       ... I feel like I’m knockin’ on heaven’s door..

     

    Jeff lui balança un coup de pompe au passage. Nico s’étouffa et grogna. Avant de reprendre.

     

    -          … Knock, knock, knockin’on heavens’doooor’....


    Il crachait et pleurait de douleur.

     

    -     On se casse Lola... fit Jeff en soufflant bruyamment.

     

    Il se tourna pour repousser brutalement Walli vers un mur. Puis entreprit de libérer l’accès du couloir menant à la chaufferie. Tous ses sacs l’encombraient et il devait encore batailler avec les portes battantes.

     

    -     On se barre Lola.. suis moi ;. Qu’est-ce tu fais ?.. Viens m’aider…

     

    -     SANS MOI… Elle hurla dans son dos en même temps qu’un clic métallique résonnait tristement. Suivi immédiatement d’un autre tout aussi ridicule.

     

    -     Nooonn…. Elle fit d’une petite voix éteinte.

     

    Jeff l’avait écouté sans réagir et le dos tourné. Chaque déclic l’avait touché en plein cœur, seulement ils ne signaient pas la fin de l’histoire.

     

    Il se décida enfin à la retrouver de face. Fixant une seconde le Canons Sciés toujours braqué sur lui. Ses yeux exprimaient autant la peine que le dédain.

     

    -    Je l’avais déchargé.. Tu penses bien que j’y avais pensé… Il lui dit affectueusement.

     

    On pouvait croire que ses paupières allaient se fermer, et que sa seule envie était de ruminer une peine réelle et infinie.

     

    Le silence lui répondit. Nico lui même n’avait plus envie de chanter, et le grand Bob en sourdine terminait seul sa chanson.


    -     Pourquoi tu m’rends la vie si compliquée ?.. Je voulais que tu te rachètes.. Qu’est-ce t’en dis Lola ?..

     

    Lola se tapait le front. Se demandant ce qui avait cloché. Jeff la visait maintenant, pointant le pistolet mitrailleur. Il avait laissé tomber les sacs et se concentrait sur ce dernier point. Calant devant une des équations les plus cruciales de son existence. Cette femme était la première qui lui avait donné envie de parier sur l’avenir au moins autant que les chevaux. Il cherchait donc désespérément un moyen de l’effacer de sa mémoire en l’espace de quelques secondes. En refermant la porte de la chaufferie il voulait être certain de n’avoir plus rien à regretter, ce passé devait être mort et enterré, et il disposait au maximum de dix secondes pour dénicher une solution. Alors il avala péniblement sa salive et lui sourit.

     

    -     Je suis désolé ma belle.. on aurait pu faire un joli bout de route ensemble…

     

    On vit Nico se redresser péniblement près d’elle. Son genou de travers ne saignait plus. Mais sa jambe recroquevillée semblait déjà morte. Il avait les yeux grand ouverts et on le vit s’envoler littéralement au dessus du sol, propulsé par sa seule jambe valide. Au bout de son bras la tige d’acier qui lui servait de canne fonçait comme une flèche. Il poussa un cri phénoménal.

     

    -        Arrrgghh….

     

    Jeff lâcha une rafale qui le brisait en plein vol. A ses côtés Lola effectuait des soubresauts, reculant d’un mètre sous la pression des plombs. Laissant échapper des flots de sang. Ils s’effondraient ensemble, dans une sorte d’union, au milieu d’une mare rouge qui coulait de partout.

     

     

     

     

     

     


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  •  

    Le groupe s’avança en file serrée vers la porte. C’étaient dix silhouettes qui cahotaient entre les véhicules abandonnés sur le parking de terre, des êtres gris et chancelants qui n’osaient plus se regarder entre eux. Au milieu Nico était soutenu par son frère d’un côté et Matt de l’autre. Il retenait un râle à chaque fois que son pied frôlait le sol. Jeff se tenait à l’arrière, en alerte et traversé de mouvements qui devenaient incohérents. La fatigue et la douleur avaient fini par le caricaturer. Le guerrier fou avait remisé la grenade dans une poche, et de ses deux mains serrait le pistolet mitrailleur masqué par un sachet de plastique. Côtoyant le Canons Sciés. Il avait le blouson rempli de munitions et son deuxième flingue lui faisait mal au niveau du ventre, coincé dans la ceinture. Le chauffeur ouvrait la marche suivi par Lola. Karine sombrait dans un état second. Alex se traînait avec lassitude. Chaque minute supplémentaire au milieu du cirque l’écœurait  davantage. Il mesurait que son existence avait basculé quelle que soit l’issue de l’aventure. Par moment il aurait voulu se réveiller et découvrir qu’il se remettait mal d’une mauvaise indigestion. Que tout n’était qu’un rêve affreux alors qu’une belle journée ensoleillée l’attendait au dehors. Il ne se souvenait même plus qu’un matin il avait voulu se venger, et que l’envie fut si forte qu’il s’était mis à trafiquer son destin. Ecrivant un scénario qu’il aurait mieux fait de mettre noir sur blanc pour un éditeur. Ce qui l’aurait  certainement soulagé et causé bien moins de dégâts. Il aurait même pu en composer la bande son si un jour quelqu’un s’était mis en tête de l’adapter au cinéma. Mais découvrant surtout qu’il était né pour accompagner l’agitation humaine de sa vieille et magnifique Fender de soixante-cinq, en évitant le plus possible de s’en mêler. Acceptant ainsi qu’il ne brillerait jamais dans les faits bruts. Il venait de comprendre que la vie réserve une place à chacun et qu’il vaut mieux ne pas la bousculer au delà d’une certaine mesure.

     

    -     T’as voulu jouer cette partie comme si t’écrivais une chanson..

     

    Il songea d’une mine grise.

     

    -      Mais les musiciens ne meurent pas dans les chansons ;.. c’est que des comédiens.. Ils pleurent, menacent, gesticulent, font semblant et on les applaudit à la fin du spectacle ;.

     

    Il examina le genou de Nico dans un interstice de la file, et ne put que grimacer.

     

    Au delà des immeubles, le soleil s’estompait, et une ombre légère prenait déjà possession du parking. Dans un rapide regard circulaire Il se demanda si on les observait d’une des nombreuses fenêtres alentours, ou si derrière celles-ci, on se fichait au fond pas mal de leur sort.

     

    -       Bougez plus.. Intima Jeff.

     

    Il se glissa à l’avant et flanqua un coup de pied sur la porte métallique qui s’ouvrit sans peine. Il en avait déjà forcé la serrure.

     

    -      Lola amène toi ;. Il fit.

     

    Lola s’avança et pénétra dans la pièce qui sentait le linge humide. Des sacs et des draps y étaient entreposés le long d’un mur. La chaudière ronronnait à l’autre bout où s’ouvrait un couloir sombre.

     

    -    Jeff la fixa.

     

    -      Tiens.. Je te fais confiance, y a plus de raisons… Hein ?..

     

    Il lui passa le Canons Sciés dont elle s’empara avec un sourire nerveux.

     

    -      Je t’ai montré comment on s’en sert ;. Tu te rappelles au moins ;. On avait tiré sur des bouteilles tout un après-midi..

     

    Lola empoigna l’arme d’un air désenchanté. Puis le groupe s’avança dans la pièce poussé par karine, et Jeff vérifia que personne ne manquait. Ils prirent de la même façon le long couloir qui débouchait sur le hall d’entrée. Sauf que Lola marchait devant en cherchant à dissimuler l’arme sous sa veste. Il était manifeste que ce dernier rôle l’agaçait. Sa légèreté naturelle s’accordait mal de cette péripétie. Elle aurait voulu ramasser la mise après que les uns et les autres se soient entretués sans avoir à essuyer une goutte de sang sur sa peau claire et délicate. Jeff dans sa folie avait choisi de la mouiller jusqu’au cou et elle savait qu’elle ne pourrait plus y couper. Ce serait la cavale infernale avec lui ou l’apocalypse, il n’existait pas de troisième alternative. Elle allait pousser la porte du hall quand elle la vit s’ouvrir toute seule devant elle. Le proprio s’y découpait dans l’encadrement et tous deux se retrouvaient nez à nez. Le petit homme ouvrit une bouche immense à sa vue et vacilla. Lola manqua d’éclater de rire. Elle avait tout simplement oublié le fusil de chasse entre ses mains, qu’elle dirigeait d’ailleurs à cet instant droit sur le type. Par un réflexe imbécile aussi il se mit à crier, et Jeff se détendit pour lui claquer son arme en pleine tempe. Le petit homme s’affaissa en couinant. Se recroquevillant piteusement sur le carrelage humide. Jeff releva la tête et aperçut deux clients en bleu de travail au bas de l’escalier. Raidis par l’émotion.

     

    -      Vous avez jamais rien vu… bande de crétins ;.. Leur lança Karine.

     

    -       Dégagez là dedans.. Hurla Jeff en pointant la réserve, un grand placard à balais entrouvert à l’angle du comptoir.

     

    -      Non.. Il se reprit.. videz vos poches d’abord..

     

    Les types s’exécutaient et il les dépouilla de leurs papiers comme des téléphones. Ramassant un trousseau de clés il colla le canon de l’arme sur le front du type. Un noir d’une cinquantaine d’années qui claquait des dents.

     

    -       Elle est où ta bagnole.. vite.. et c’est quelle marque ?;.. Il grogna.

     

    L’ouvrier aurait bien voulu répondre seulement l’angoisse contrôlait ses mâchoires.

     

    Jeff lui mit une baffe de l’autre main.

     

    -    Tu te magnes fils de pute..


    Le type bégaya.

     

    -     C’est la Nissan bleue sur le parking derrière ;. Il y a une attache remorque.. On peut pas se tromper…

     

    Puis il se perdit dans des propos inaudibles. Il était clair que le gars lui aurait signé l’acte de vente si Jeff le lui avait demandé. Les deux clients s’en allèrent presque d’eux mêmes se fourguer dans le réduit qu’il leur avait indiqué. Mais il n’en avait pas fini. Revenant vers l’hôtelier toujours assommé, il le saisissait par un pied et le traînait sans ménagement, lui faisant rejoindre le même placard qu’il refermait à clé. Une vieille radio allumée dans le hall se mit à débiter My way en sourdine. C’était maintenant au chauffeur du bus que s’en prenait Jeff. L’attrapant au col et le secouant avant de lui coller le canon de l’arme aux reins. L’homme ne semblait plus tenir debout que par une espèce de miracle.

     

    -      Tu vas nous amener au pognon ;. Et il vaut mieux qu’il soit là où tu m’as dis…

     

    Il lui avait parlé avec un genre de mousse ou de bave aux lèvres. Le chauffeur manqua de s’évanouir et serait certainement tombé sans la poigne de Jeff. Il dut encore le soutenir de cette façon en le dirigeant vers l’escalier. Tous s’apprêtaient à lui emboîter le pas quand il se retourna.

     

    -       Non.. toi tu reste ici.. Il cria en désignant Nico.

     

    -       Tu vas pas nous emmerder avec ta patte folle.. Karine tu restes avec lui, et boucle l'entrée.. Perds pas de temps… les autres vous me suivez..

     

    -       Il s’engouffra dans l’escalier avec un rictus inquiétant, et il aurait été difficile de mesurer le degré de lucidité réel dont il pouvait encore disposer. Après quoi le reste de la bande le suivit sans un mot. Comme si tout avait été réglé d’avance.

     

     

     

     

     


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  •  

    Le bus pénétra sur le parking de terre battue situé derrière l’hôtel. Il s’y enfonça d’une centaine de mètres et donnait l’impression de naviguer sur une mer houleuse. Puis Jeff intima l’ordre  de stopper à proximité d’une porte de service qu’il avait déjà emprunté, donnant sur la chaufferie. C’était celle qu’il avait forcé l’après-midi pour s’introduire dans l’hôtel. Il s’essuya le visage de la manche, et visiblement sa blessure le faisait à nouveau souffrir.

     

    -     Bon.. voilà ce qu’on va faire.. moi je reste ici, vous imaginez pas que vous allez m’enquiller… toi Karine tu vas récupérer le fric.. Monsieur va t’expliquer où il l’a mis au frais, et après on reprend gentiment la route, on quitte la ville… et quand on sera en sécurité chacun ira de son côté, vous pourrez repartir tranquille ;.

     

    -    NON…. Hurla matt.

     

    -    Mon frère a besoin d’un toubib… il va mourir sinon, y a déjà plus de sang dans ses veines…

     

    Jeff se retourna brusquement et le braquait.

     

    -    Ta gueule connard.. il tiendra parce que je dis que c’est comme ça…

     

    Matt éclata en sanglots et prit la main de Nico qu’il porta à sa joue.

     

    -    J’veux pas que tu meurs… il faut trouver un toubib et t’amener à l’hôpital… Qu’est-ce que je deviendrais sans toi ?..

     

    Les sanglots l’étouffaient et il balayait ses larmes de la main. Nico lui caressa les cheveux

     

    -    T’en fais pas frangin ;. Je suis un roc, t’en as jamais douté.. Il lui fit en s’imposant un sourire provocant.

     

    -    Tu vois ;. Il le reconnaît lui même.. Ricana Jeff.

     

    -    Allez on se magne ;. Y a plus de temps à perdre ;.

     

    Il s’approcha de Lola.

     

    -    Tu viendra avec moi Lola.. Hein, dis moi que tu viendras avec moi, on est marié tous les deux, et je peux comprendre une faute de jeunesse… Me fais pas de peine Lola.. répond moi ;. Je veux une réponse maintenant..

     

    Il l’observait avec une appréhension qui ne collait pas à l'histoire, la voix traînante et graisseuse, les traits fatigués. Lola tendit une main jusqu'à ses lèvres. Son visage demeurait indéchiffrable.

     

    -    Rien n’est exclu.. Elle lui fit.

     

    -    Mais à ta place je laisserais pas l’autre garce seule une minute avec les billets… y a des chances pour qu’ils repartent en voyage sans toi… Qu’est-ce t’en dis ?..

     

    -    Ordure.. S’écria Karine en levant l’automatique. Jeff se tourna d’un bond, le pistolet mitrailleur pointé sur sa gorge.

     

    -    Ecrase… et recommence jamais connasse, je pourrais oublier que tu m’as un jour rendu service ;.

     

    Ses muscles étaient redevenus comme du béton. A la première alerte toutes ses faiblesses s’évaporaient et il lui fallut quelques secondes pour dominer sa furie.

     

    -    Ouaih… Il reprit.

     

    -    Y a du vrai dans c’que tu dis… d’ailleurs personne voudrait rater l’excursion ;. Hein les gars ?..

     

    Le ton faussement joyeux révulsait quelques estomacs supplémentaires. Il se redressa et fixa la porte de l’immeuble. Puis avala un grand volume d’air, comme s’il reprenait des forces. Enfin dans un unique mouvement qui ressemblait à un long travelling, il fit couler son regard de l’un à l’autre. Les visages pâlissaient quand la flamme les éclairait. Alex eut la mauvaise impression d’avoir droit à un traitement particulier. Les épaules du chauffeur s’affaissaient encore de plusieurs centimètres.

     

    -    Qu’on se le dise.. j’ai des tickets gagnants pour un colloque entier là dedans… Il leur balança en agitant ses armes. La peau bleuie par la douleur.

     

    -    Alors on va se bouger à la queue leu leu pour récupérer le flouze.. Et dans quelques heures vous entendrez plus parler de nous… Il déclama en décochant un clin d’œil à Lola.

     

    -    Mais il peut pas marcher.. S’écria Matt en gémissant. La main serrée sur la chemise de son frère.

     

    -    Merde…. Grinça Jeff.

     

    -    J’ai un trou dans le gras depuis deux jours, et je chiale pas comme une Madeleine… Alors t’es un homme ou t’es pas un homme ?.. Il lança à Nico d’une voix dure.

     

    Nico se releva d’un bond rageur.

     

    -    Repasse moi la bouteille frangin… Je peux bouger comme les autres..

     

    Des lueurs de fièvre traversaient son regard. Il saisit la bouteille que lui tendait Matt et descendit une bonne rasade, avant de s’emparer de la canne d’acier chromé. Puis il toussa, se défaisant d’un crachat rempli de grumeaux.

     

    -   Le Viet-Nam devait ressembler à quelque chose du genre.. Songea Jeff.

     

    Quand soudain il s’affola. Cherchant fébrilement sa guitare de tous les côtés. Il suffoqua réellement pour la première fois de la journée en se souvenant qu’elle était restée à la salle de répétition. A la merci de tous les dangers.

     

     


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    Avec l’alcool ce fut comme si on venait de leur fournir un antidote. Alex descendit une lampée qu’il aurait pu qualifier de miraculeuse. Un souffle chaud lui quittait la bouche quand il passa le scotch à Bœuf qui grommela. Le batteur s’y mit et à le voir vider la bouteille donnait l’impression que son salut en dépendait. Ca avait pour effet de calmer la peur qui suintait sous la forme de grosses gouttes glacées. Le bus s’infiltra dans la circulation. Le chauffeur qui ne pouvait se départir de tremblements impressionnants fixait les trottoirs. Une prière muette se lisait sur son front ou dans le scintillement des rétines. Des cris désespérés que la peur tenait en cage dans son crâne. Il voyait tous ces gens ignorants de son sort, ces passants flânant en toute quiétude, et une pareille insouciance le révoltait. L’angoisse le consumait sans qu’il entrevit de prétexte pour les appeler au secours. A tous moments il lançait des coups d’œil à ses rétroviseurs intérieurs qui lui renvoyaient les mêmes images mortelles. Jeff et Karine armés jusqu’aux dents et livides avec toute la came dans leurs veines. Inaccessibles à tous raisonnements logiques.

     

     

    Le jour déclinait même si on était encore loin du crépuscule. Mais déjà il redoublait d’angoisse à l’idée de se retrouver dans le noir avec ces cinglés. Il crut soudainement avoir trouvé la solution et un sourire morbide se dessina sur ses lèvres. Il venait d’apercevoir un gros tout terrain noir qui profitait d'un élargissement de la voie à droite pour doubler toute la file. Ce fou du volant tombait à pic, et d’un geste imperceptible il dévia la trajectoire du bus. Parvenant à le toucher juste au bon moment. Quelques mètres plus tard et il aurait pris le large sur l’avenue qui se dégageait. Le tout terrain fit une embardée quand il l’accrocha par l’aile et le pare choc arrière. Faisant grincer les tôles durant une brève seconde avant que le SUV accélère brutalement et évite le pire. C’était bien joué de la part de son conducteur, un vrai pilote.

     

    -      Pauvre crétin.. Glapit Jeff.

     

    L’intérieur du bus venait de geler.

     

    -      Je suis obligé de m’arrêter pour voir… sinon ça fera du grabuge.. Fit le chauffeur en transe, les vêtements trempés.

     

    Plus loin le tout terrain s’immobilisait sur une aire de stationnement réservée aux livraisons.

     

    -      Tu t’arrêtes juste derrière, et tu bouges pas de ta place.. je te préviens qu’à la première entourloupe j’te fais éclater la tête.. Menaça Jeff d’un ton définitif.

     

    Le bus alla doucement s’arrêter derrière le tout terrain, le chauffeur manœuvrant avec d’infinies précautions. Les paroles de Jeff faisaient leur effet et l'air devenait irrespirable. Il savait qu’ils guettaient tous son premier faux pas.

     

    -      Surtout pas de conneries.. y en a assez là dedans pour nous envoyer tous en enfer.. Il fit en agitant la grenade. On pouvait entendre ses dents grincer.

     

    Ce fut alors qu’Alex aperçut au travers du pare-brise le conducteur du tout terrain. Il distinguait nettement l’homme qui examinait les dégâts sur son véhicule, avec une allure indolente, comme si une broutille pareille avait le don de lui faire perdre son temps. Son sang s’accéléra en reconnaissant l’officier Léonardo.

     

    La porte du bus s’ouvrit enfin et le flic vint pesamment se caler dans l’embrasure. Puis il monta la première marche sans s’aventurer plus loin. Pouvant ainsi discrètement se faire une idée de l’ambiance qui régnait à l’intérieur.

     

    -     Ouaaiih…. Il lâcha en mâchonnant son chewing-gum.

     

    -     Les caisses n’ont rien.. à peine une petite rayure sur le côté… Je me demande si ça vaut le coup de s’emmerder avec ça.. Et vous me paraissez pressés…. Personnellement je préférerais laisser tomber, les assurances profitent de tout pour saquer les primes, y a pas de morale chez ces gens…. A moins que vous y tenez vraiment au constat..

     

    Léonardo se gratta la nuque avec ostentation. Il ne regardait rien de précis.

     

    -     C’est du bluff.. Pensait Alex.

     

    -     Il est sur notre dos depuis des kilomètres… Mais il se dit que l’endroit est mal choisi… Mais pourquoi nom de Dieu.. pourquoi ?.. Il veut régler cette affaire tout seul, il doit y avoir une explication.. ou il cherche une médaille particulière..

     

    Une étincelle perça son esprit et il comprit.

     

    -      Il veut la peau de Jeff, s’endormir certain qu’on entendra plus jamais parler de lui ;. C’est ça le truc, il serait pas d’accord pour que ça se règle à l’amiable devant un tribunal, et dans ce pays on achève plus les assassins depuis belle lurette ;. Même un type qui a buté un flic. Voilà une pensée qui lui fait mal au cul.. Alors il a décidé d’attendre le petit dixième de seconde où il pourra lui coller un télégramme de sa part en pleine tête.. seulement il lui faut encore un léger prétexte pour que ça reste un minimum légal, c’est même tout son problème.. L’ennui c’est que d’ici là il risque d’avoir besoin d’une benne à ordures.. Il y en aura des bouts de viande à ramasser, et il pourrait bien y retrouver la tienne dedans.. Mais ça justement, c’est pas son problème ;…

     

    Avec cette réflexion il eut le sentiment de peser des tonnes sur son siège.

     

    Tous dans le bus semblaient implorer le flic. Il aurait pu distinctement voir leur salive quand il s’étranglaient en l’avalant. Kim toussa très fort comme s’il était mourant. Léonardo ne remarquait toujours rien.

     

    -     Euh.. euh.. euh ;.  Répétait le chauffeur au comble de la panique. Puis il se tut. Le flic à moins d’un mètre lui offrait un visage serein qui le dégoûtait. Son halètement irrégulier avait pourtant de quoi inquiéter. Comme si une soupape venait de lâcher dans sa poitrine. Le curieux conducteur du tout terrain lui n’y trouvait qu’à sourire.

     

    -       On peut dire que vous êtes gentil monsieur ;.. on a du boulot ce soir, on est musiciens.. Vous savez c'que c'est.. merci de ne pas nous tracasser avec ces petits détails..

     

    -      Léonardo tourna vaguement la tête vers Jeff qui venait de parler. Alex se disait que n’importe qui d’autre se serait inquiété de l’allure de ce type qui planquait ses mains derrière un dossier. Sa voix d’outre tombe, rocailleuse et sifflante, avait de quoi glacer le sang.

     

    -     Et bien.. bonne soirée quand même, et jouez bien.. Envoya Léonardo avec un salut de la main sur son front.

     

    Il repartit sans se presser, affectant un pas traînant. Comme si l’accrochage lui avait fourni une agréable pause dans sa journée. Le bus dépassa le tout terrain et Alex put constater qu’en guise d’éraflure l’aile gauche allait nécessiter un bon lifting.

     

    -     Toi salopard.. je te réserve une surprise si jamais ça te reprend.. t’avises plus de jouer au malin.. Pourri.. Ragea encore Jeff.

     

    Seulement une simple engueulade ne lui parut pas suffisante et il tint à balancer une nouvelle claque sur la tête du pauvre diable. Ce qui manqua de provoquer un nouvel accident du coup. Le vieux chauffeur hoqueta et se remit à trembler de la tête aux pieds

     

     

     

     


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